3 au 6 octobre 2019, Montréal
Par Frédérique Trottier, candidate à la maîtrise en science de l’architecture – Design urbain à l’École d’architecture de l’Université Laval et Geneviève Vachon, professeure à l’École d’architecture de l’Université Laval.
Le programme complet du symposium comprend les enregistrements audio des conférences (avec permissions) et des photos de l’événement. Consulter aussi l’article du quotidien inuit Nunatsiaq News.
Le Congrès d’Études Inuit est un événement multidisciplinaire qui réunit, tous les deux ans, des représentants de communautés, d’organisations et de gouvernements inuit, ainsi qu’un grand nombre de chercheurs, d’étudiants et de professionnels engagés dans les enjeux des peuples arctiques. Il s’agit de la plus grande conférence universitaire au monde sur les populations et les territoires inuit. Depuis la première conférence d’Études inuit à Québec en 1978, cet événement s’est tenu, en alternance, dans des communautés arctiques et dans des villes du Sud : à Fairbanks en 1990, à Iqaluit en 1994, à Paris en 2006 et à St. John’s en 2016 (voir symposium Habiter le Nord québécois ici). Les présentations visent à brosser un portrait d’ensemble des différentes réalités du monde inuit et des enjeux intrinsèques à la vie au Nord du 55e parallèle, dont l’éducation, la santé, la langue, la gouvernance, l’habitation, l’identité et l’art. Ces enjeux sont discutés majoritairement par des conférenciers inuit. La conférence comprend également des activités culturelles et artistiques pour le grand public.
Habiter le Nord québécois
Le 3 octobre 2019, dans le cadre du Congrès, se tenait une session thématique d’une journée orchestrée par le partenariat de recherche Habiter le Nord québécois – HLNQ. Ancré à l’École d’architecture de l’Université Laval, HLNQ est une équipe interdisciplinaire et intersectorielle qui réfléchit à l’aménagement culturellement adapté et durable de l’habitat des communautés innues du Nitassinan et inuit du Nunavik. Il aborde l’habitat autochtone nordique dans toute sa complexité en examinant les trois dimensions qui le structurent, qui lui donnent un sens et qui en orientent le développement, soit les communautés, les cadres de vie et la gouvernance. Il repose sur l’hypothèse qu’une stratégie collaborative entre des détenteurs de différentes formes de savoir permet d’ouvrir les perspectives sur la façon de poser le problème (comprendre/intégrer), sur la variété des solutions qui peuvent y être apportées (imaginer/concevoir) et sur l’apprentissage et le changement dans les pratiques (mobiliser/valoriser).
Programme de la journée
Sous la présidence d’honneur d’Olivia Ikey, activiste pour la jeunesse inuit, la session était l’occasion de discuter des enjeux et des défis d’aménagements appropriés et significatifs pour les communautés inuit. Le programme de la journée s’appuyait notamment sur la participation de 5 conférencières et panélistes autochtones. Les présentations étaient issues de disciplines, de secteurs et d’organisations variés, du Sud et du Nord. On comptait notamment : deux conférences spéciales par Gérard Duhaime, sociologue et professeur à l’Université Laval, et par Harriet Burdett-Moulton, architecte Métis-Inuit ayant pratiqué au Nunavut; des conférenciers et panélistes de 6 universités canadiennes et américaines; le bilan d’étudiants chercheurs-créateurs sur la recherche collaborative au sein du partenariat; et un panel de discussion sur les visions d’avenir pour les territoires nordiques. Deux expositions prenaient place dans la salle, l’une sur l’habitat en territoires circumpolaires (Patrick Evans, dir.), et l’autre sur le nouveau livre Imaginer : Le Nord en 50 projets dont le lancement se tenait en soirée.
Vers des aménagements appropriés et significatifs
La session a mis en lumière des recherches et des approches visant à mieux comprendre les aspirations des communautés inuit et autochtones en matière d’habitats significatifs, en plus de révéler le potentiel et la qualité des lieux, des territoires et des paysages du Nunavik. Les recherches partageaient un objectif commun visant à impliquer les communautés dans une réflexion sur l’aménagement de milieux de vie et d’habitations culturellement appropriés, ainsi que des options de gouvernance qui permettraient d’imaginer des modèles innovants à mettre en œuvre de façon judicieuse. Le mot d’introduction de la présidente d’honneur Olivia Ikey a donné le ton à la journée en abordant l’actuelle crise du logement et ses implications sur le quotidien des communautés. L’activiste a également parlé de la complexité du processus d’attribution des logements, ainsi que de l’inadéquation des types d’habitation et des modes de tenure avec les aspirations des citoyens. En ce sens, Marika Vachon, candidate au doctorat en architecture, a discuté des modèles de gouvernance et de production de l’habitation au Nunavik, en s’intéressant notamment aux acteurs impliqués dans les processus décisionnels. D’autres intervenant(e)s, dont Hilda Snowball, de la communauté de Kangiqsualujjuaq, et Marie-Pierre McDonald, aménagiste, ont évoqué l’importance de saisir le sens des paysages culturels comme prémisse aux décisions en matière d’aménagement culturellement adapté des villages. Le bilan des chercheurs-créateurs d’Habiter le Nord québécois a quant à lui partagé des réflexions sur le processus de design collaboratif, sur les activités de mobilisation ou de co-construction de connaissances avec les communautés, de même que sur la nature des apprentissages et des « traces » laissées par l’expérience partenariale. Bref, les participants ont partagé différentes manières de travailler avec les communautés inuit et autochtones, dans l’idée de s’expliquer mutuellement les défis qui touchent le Nord, afin d’en comprendre l’importance et la portée, tant sur les plans sociaux que formels, et de réfléchir à de nouvelles façons d’aborder ces défis.