20e anniversaire du réseau Villes Régions Monde

Entretien avec Richard Morin, professeur à la retraite du Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM

Juin 2022

Par Valérie Vincent, coordonnatrice du réseau Villes Régions Monde

Bonjour Richard, vous êtes maintenant retraité et professeur associé au Département d’études urbaines et touristiques (DEUT) de l’UQAM où vous avez été professeur-chercheur pendant de nombreuses années. Vous qui étiez présent au tout début de VRM, dont vous êtes toujours membre, pouvez-vous me dire comment le réseau s’est mis en place? Et quel a été votre rôle?

 

L’origine de VRM remonte à une subvention de Valorisation Recherche Québec (VRQ) qu’avait reçue Jean-Pierre Collin du Centre Urbanisation Culture Société (UCS) de l’INRS au début des années 2000. Il s’agissait de rassembler, sous ce qu’on nomma alors déjà Villes Régions Monde (VRM), des chercheurs et chercheuses dont les travaux portaient sur la compétitivité des villes et des territoires. Ces spécialistes provenaient principalement de l’INRS et du Centre de recherche en aménagement et développement (CRAD) de l’Université Laval. S’y greffaient d’autres équipes de recherche, notamment de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Puis, en 2002, le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) annonçait un nouveau financement qui avait comme objectif de mettre en place des regroupements stratégiques de chercheurs et chercheuses dans différents domaines. C’était là une occasion d’assurer un nouveau financement à VRM, à titre de « Réseau thématique ». La première version de la demande reprenait la thématique de la compétitivité des villes et des territoires. Elle comprenait, comme principaux partenaires institutionnels, l’INRS, le CRAD, l’UQAT et l’UQAR. Cependant, en cours d’élaboration de cette demande, l’UQAT et l’UQAR se dissocièrent de VRM pour préparer leur propre demande en vue de la création d’un « Centre de recherche », également dans le cadre des regroupements stratégiques, le Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT). C’est à ce moment que j’ai été sollicité par Jean-Pierre Collin pour me joindre au réseau et pour que l’UQAM en soit un partenaire institutionnel. Alors que j’étais le seul professeur régulier de l’UQAM à m’associer à VRM[1], l’Université a tout de même accepté d’accorder un appui financier aux activités du réseau et en est ainsi devenue le troisième établissement universitaire partenaire à l’occasion de la première demande de financement au FRQSC. Au cours des années suivantes, j’ai recruté d’autres collègues de l’UQAM pour faire partie de l’aventure. L’Université de Montréal deviendra le quatrième partenaire universitaire lors de la première demande de renouvellement du réseau en 2007.

 

Pourquoi j’ai accepté de me joindre au réseau Villes Régions Monde plutôt qu’à un autre regroupement comme celui du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) de l’UQAM, qui m’avait aussi sollicité? C’est, d’une part, parce que l’INRS et l’UQAM offraient à l’époque (et offrent toujours) des programmes conjoints de maîtrise et de doctorat en études urbaines. Outre mes trois années à titre de directeur de ces programmes à l’UQAM, j’en aurai aussi été le directeur de la « conjointitude » pendant neuf autres années. J’avais donc à cœur le maintien d’une coopération entre l’UQAM et l’INRS sur le plan de la recherche afin de soutenir ces programmes. C’était aussi, d’autre part, tout naturel pour moi d’aller vers l’INRS puisque depuis 1986, j’y étais professeur invité et je menais des recherches en collaboration avec des collègues de cet institut. De plus, VRM était aussi plus centré sur l’objet de recherche qui m’intéressait, à savoir la ville. Par ailleurs, j’y voyais l’opportunité de côtoyer d’autres chercheurs et chercheuses en études urbaines au Québec et le potentiel de développement de nouvelles collaborations en lien avec des thématiques urbaines. Je trouvais que l’obtention du financement du FRQSC pour un tel regroupement stratégique contribuerait à la reconnaissance, à la consolidation et à une forme d’institutionnalisation d’un champ de connaissances sur l’urbain qui prenait de l’ampleur au Québec avec les apports de professeurs-chercheurs et professeures-chercheuses de l’INRS-UCS, du CRAD, de l’Institut d’urbanisme (à l’époque) de l’Université de Montréal, du DEUT de l’UQAM et de départements de science politique, de sociologie, de géographie, d’histoire, etc., de diverses universités. L’idée de rassembler ces expertises au sein d’un réseau m’apparaissait des plus intéressantes.

Quant à mon rôle au sein de VRM, j’ai eu le privilège de faire partie du premier comité de gestion à trois têtes avec Jean-Pierre Colin de l’INRS-UCS et Marius Thériault du CRAD. J’ai occupé le poste de représentant de l’UQAM au sein de ce comité de 2002 jusqu’à ma retraite en 2018. J’ai ainsi participé, au cours de ces années, à de nombreuses rencontres pour discuter des orientations et des activités de VRM, au sein non seulement des différents comités de gestion qui se sont succédé, mais aussi des comités des partenaires, des comités scientifiques, des assemblées des membres, des comités d’évaluation, etc. Après ma retraite, je suis resté membre de VRM, en vertu de mon statut de professeur associé au DEUT et de la poursuite d’activités de recherche.

J’ai eu le privilège de faire partie du premier comité de gestion à trois têtes avec Jean-Pierre Colin de l’INRS-UCS et Marius Thériault du CRAD. J’ai occupé le poste de représentant de l’UQAM au sein de ce comité de 2002 jusqu’à ma retraite en 2018.

Richard Morin

Quand je regarde la liste des membres aujourd’hui, je vois que VRM en compte plus de 70 et que l’UQAM est passée à 22. Je pense que j’ai contribué à faire un bon travail de recrutement au sein de mon université! Je crois aussi que VRM a eu un impact majeur sur le DEUT. Avec le soutien financier de VRM, les professeures-chercheuses et les professeurs-chercheurs de ce département ont notamment réussi à obtenir d’autres financements de recherche plus substantiels et ont participé à des colloques et congrès internationaux favorisant des rencontres avec leurs homologues du réseau et de l’étranger. VRM a aussi stimulé des collaborations de recherche internes, au sein du département, et externes, avec d’autres collègues membres du réseau. VRM a certainement joué un rôle de premier plan en dynamisant une culture de recherche dans ce département. VRM a également appuyé le démarrage de projets de recherche et la diffusion de résultats d’autres professeures et professeurs de l’UQAM qui en sont membres.

 

Personnellement, sur le plan de la recherche, qu’est-ce que VRM vous a apporté ou permis de faire?

Sur le plan personnel, VRM m’a donné, comme à mes collègues, des aides financières pour diffuser plus largement mes travaux de recherche sur la scène internationale, dans le cadre des rencontres annuelles de l’Urban Affairs Association (UAA) aux États-Unis et dans plusieurs autres colloques en Europe et ailleurs dans le monde. J’ai aussi obtenu l’appui financier de VRM pour la production d’un livre et pour organiser diverses rencontres de recherche locales, dont des colloques dans le cadre de congrès de l’ACFAS. De plus, par ma participation à différents événements soutenus ou organisés par le réseau, j’ai été amené à mieux connaître ce que font mes collègues, et la communauté étudiante, des autres universités membres de VRM. Enfin, j’ai contribué au livre Dix ans d’études urbaines au Québec publié en 2011 aux PUL sous la direction de Geneviève Cloutier (U. Laval), Jean-Pierre Collin et Claire Poitras (INRS), un ouvrage dans lequel j’ai coécrit un chapitre avec Annick Germain et Anne-Marie Séguin (INRS).

 

Sur le plan théorique, est-ce que VRM a eu un apport? (De quoi parlait-on en 2002 et de quoi parle-t-on maintenant?)

Voilà une question à laquelle il m’est plus difficile de répondre. VRM n’est pas un centre de recherche offrant une programmation d’activités de recherche. VRM est un réseau doté d’une mission de rayonnement de la recherche urbaine, de formation étudiante et de mobilisation des connaissances autour d’axes thématiques. Cependant, je ne crois pas qu’on ait jamais fait de compilation des résultats de recherche autour de ces axes. C’est quelque chose qui nous a d’ailleurs souvent été reproché par des membres de comités d’évaluation. Ce que l’on constate, au fil des années, c’est que la recherche en études urbaines est, en général, davantage empirique et les recherches des membres de VRM ne s’éloignent pas de cette tendance. La question qu’il faut toutefois se poser, c’est : est-ce que c’est vraiment le rôle de VRM de produire un apport théorique? Le réseau ne finance pas directement la recherche, alors son rôle serait peut-être de mieux faire ressortir les différents contenus des travaux de recherche, par exemple en rassemblant chaque année des équipes de recherche autour d’axes ou d’objets spécifiques afin d’échanger sur ce qui pourrait se construire théoriquement ou en organisant davantage le contenu sur le site web pour faire ressortir les différentes orientations thématiques.

Je pense en terminant que l’apport le plus concret de VRM, c’est, d’une part, le soutien financier au démarrage de projets de recherche qu’il apporte à la relève en recherche et, d’autre part, la diffusion, la valorisation et le transfert des résultats des travaux de recherche des membres du réseau en général et de leurs étudiants et étudiantes, non seulement par des aides financières, mais aussi par la création d’espaces de rencontres propres à VRM, comme les Colloques de la Relève et les Rencontres VRM, par l’appui à l’organisation de colloques, séminaires et lancements de publications, ainsi que par le site web qui regorge de rubriques et qui constitue une éloquente vitrine du réseau. VRM a donc atteint, selon moi, ses principaux objectifs, et ce, il faut le mentionner, avec la contribution des professionnels et professionnelles qui en ont tenu les rênes depuis vingt ans, en particulier Mélanie Gauthier, l’agente de liaison de 2001 à 2008, et Valérie Vincent, la coordonnatrice actuelle.

 

[1]Jacques Léveillée, alors professeur retraité du Département de science politique de l’UQAM et proche collaborateur de Jean-Pierre Collin, a aussi été membre de VRM à l’époque.