Compte rendu – L’International Conference on Urban Affairs (ICUA)

Par Flandrine Lusson et Emory Shaw, étudiante et étudiant au doctorat en études urbaines, Institut national de la recherche scientifique (INRS), ainsi que Celia Benhocine, étudiante à la maîtrise en études urbaines (INRS)

*Compte rendu des présentations des membres du réseau VRM à l’International Conference on Urban Affairs (ICUA)

Présentation générale de l’ICUA 2024

L’International Conference on Urban Affairs (ICUA) est un colloque annuel interdisciplinaire fondé à Boston en 1969 qui aborde divers sujets d’envergure internationale liés aux villes et aux métropoles. L’Urban Affairs Association regroupe près de 1000 chercheurs, chercheuses, étudiants, étudiantes et professionnel·le·s du secteur public, principalement d’Amérique du Nord, mais aussi de l’international. Cette année, la conférence s’est tenue entre les 24 et 27 avril 2024 dans le quartier Manhattan de New York et a porté sur le thème suivant : « Villes à la marge : promouvoir l’équité et la résilience par la recherche, l’activisme, la planification et la politique ». Chaque jour, entre 20 et 25 séances étaient organisées sur des thèmes variés liés au logement, à la sécurité alimentaire, au design urbain, à la mobilité, aux politiques publiques, aux inégalités, aux enjeux environnementaux en ville ou encore aux méthodes de recherche. Ce compte-rendu synthétise neuf interventions de chercheurs et chercheuses membres du réseau Villes Régions Monde et de leurs étudiant·e·s, prononcées lors de quatre différentes séances thématiques.

Séance 1 : Situating Small and Mid-Sized Cities in Contemporary Urbanism 1 & 2

Cette séance s’est divisée en deux sous-séances au cours desquelles huit spécialistes ont abordé les défis vécus aujourd’hui par les petites et moyennes municipalités. Présentant des recherches menées au Canada, aux États-Unis et au Vietnam, les interventions ont cherché à mieux définir, situer et analyser la grande diversité de villes qui entrent dans ces catégories et à exposer les contextes propres à chaque territoire étudié. Dans le contexte de forte croissance démographique de ces villes, ce sont les enjeux et stratégies mises en place par les acteurs municipaux et les résident·e·s qui ont été exposés.
Revisiting Small and Mid-Sized Cities in Canada: Old Questions, New Challenges

Présentée par Thi Thanh Hien Pham (professeur à l’UQAM)

Thi Thanh Hien Pham a présenté les résultats synthétiques d’un numéro thématique publié avec ses collègues Yolande Pottie-Sherman (Memorial University of Newfoundland and Labrador) et Jeffrey Biggar (Dalhousie University) portant sur les petites et moyennes municipalités au Canada. Le numéro thématique tend à définir et mettre de l’avant les spécificités, les modes de gouvernementalité et de sociabilités propres à ces villes. Diversifiées dans leur taille, leur forme et leur composition, elles vivent depuis plusieurs années de fortes croissances démographiques et sont aujourd’hui des pôles d’innovation reconnus. Hien Pham explique néanmoins que ces villes sont désavantagées par la canalisation de ressources vers les villes centres, mais qu’en réponse à cela, les petites et moyennes villes mettent en place des solutions adaptées à leur contexte. La chercheuse prend l’exemple des systèmes alimentaires et de l’accès à l’alimentation. Mobilisant les résultats d’une recherche comparative qu’elle a menée sur la ville moyenne de Victoriaville et l’arrondissement de Verdun à Montréal, elle explique que dans les villes petites et moyennes, les zones de production sont plus proches des individus que dans les grandes villes. Cela a des effets sur les comportements économiques des individus et leurs décisions en matière d’alimentation. À Victoriaville, les individus accordent plus de réflexion à l’alimentation, passent plus de temps à cuisiner et ont plus de rapports avec les producteurs qu’à Montréal.

Circular Food System, by Whom and for Whom? Insights from a Medium-Sized Canadian City Case Study

Présentée par Valérie Lacombe (étudiante à l’UQAM)

Valérie Lacombe étudie les perceptions de la transition écologique et de l’économie circulaire des acteurs institutionnels du système alimentaire de la ville moyenne de Saint-Hyacinthe (Québec) en mettant l’accent sur l’importance d’étudier les processus plus que les résultats, et de prendre en compte les contextes locaux particuliers des villes étudiées. Elle a mené des entretiens avec 21 responsables de la gouvernance municipale, de la région de la Montérégie et de l’administration provinciale déléguée à la région. Ses résultats démontrent toujours une prévalence pour la rentabilité technique, matérielle, logistique et économique, en particulier au sein des entreprises, car les qualités valorisées restent celles de l’expertise, de la connectivité, de la vitesse et de l’attractivité. L’auteure explique cependant que les financements accordés aux entreprises n’intègrent pas les initiatives en matière d’économie circulaire. Cela ne favorise donc pas la mise en place d’initiatives qui restent au niveau de pratiques informelles décloisonnées, mais adaptées au contexte particulier de la municipalité. Au sein de ces initiatives, c’est la question du découpage des rôles et des responsabilités qui crée également des ambiguïtés au sein des groupes des différentes institutions, et parfois des tensions entre les parties quant à l’approche et aux actions à mener localement. En réponse à cela, l’auteure invite à penser à la création de cadres formels autour des initiatives locales et à la façon de les mettre en œuvre pour soutenir les acteurs dans ces processus.

‘Culture as a Dessert’: Local Actors’ Perception of the Role of Culture in Sustainability Transition of a Medium-Sized City in Québec

Présentée par Thi Thanh Hien Pham (professeur à l’UQAM)

Dans cette présentation, Thi Thanh Hien Pham abordait la contribution des arts et de la culture aux programmes de transition écologique de petites et moyennes municipalités. Le cas d’étude présenté est celui de Trois-Rivières, une ville de taille moyenne au passé industriel, qui a vécu dans les dernières années de nombreux projets de revitalisation. L’auteure a réalisé une observation des politiques de développement culturel de la municipalité et a mené des entretiens avec des acteurs municipaux pour comprendre leurs perceptions quant à la place des arts et de la culture dans la transition écologique. Les résultats mettent de l’avant que l’art et la culture prennent encore peu de place dans l’aménagement et la planification urbaine et que les deux principales visions de la transition écologique sont la vision technocratique de la croissance verte et la vision écocentrique, deux visions qui, à l’échelon municipal, peuvent provoquer des enjeux de communication entre groupes sociaux, activistes et porte-paroles d’entreprises. En matière de transition, les acteurs municipaux privilégient davantage la préservation de l’environnement naturel, la création de liens sociaux, l’augmentation du transport en commun et la décarbonisation des projets. Les initiatives artistiques et culturelles reliées à la transition sont plutôt portées par des organisations environnementales ou culturelles, mais qui souffrent d’un manque de financement pour porter des réflexions plus approfondies et d’une organisation intermédiaire qui ne suffit pas à soutenir la mise en œuvre de projets. Les acteurs municipaux rencontrés sont néanmoins d’accord sur le fait que l’art et la culture jouent un rôle important en matière de sensibilisation à l’action environnementale.

Peri-Urban Development within Metropolitan Dynamics: The Mirabel Case (Qc, Canada)

Présentée par Flandrine Lusson (étudiante à l’INRS)

Flandrine Lusson s’intéresse aux discours d’élu·e·s et de professionnel·le·s de l’aménagement du territoire de petites et moyennes municipalités intégrées au sein de régions métropolitaines. Son cas d’étude est la ville de Mirabel située dans la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Mirabel est une municipalité historiquement composée de paroisses agricoles, fusionnées et expropriées dans les années 1970 pour accueillir le nouvel aéroport international du Québec. Aujourd’hui, le territoire vit une forte croissance démographique et économique, en particulier dans certains secteurs qui se sont fortement développés dans les dernières années. À partir d’entretiens non-dirigés réalisés avec des élu·e·s et professionnel·le·s de l’aménagement municipal, l’auteure propose d’analyser les discours critiques des programmes d’aménagement de la CMM et leurs conséquences perçues sur le territoire au regard du contexte historique propre au territoire. L’auteure explique que cet historique influence les discours portés aujourd’hui par les élu·e·s qui dénoncent d’abord leur place au sein de la région métropolitaine ainsi que l’imposition de réglementations non adaptées au territoire, à ses spécificités et aux attentes de la population locale. Ils dénoncent plus spécifiquement les projets de densification urbaine et leurs effets sur la dénaturation du territoire. Dans les années 1970, le gouvernement fédéral du Canada avait imposé le projet aéroportuaire de Mirabel et les conséquences sociales, spatiales, et politiques de ce projet ont été multiples. Pour les élus rencontrés, les réglementations actuelles de la CMM s’inscrivent en continuité avec le passé en participant elles aussi à transformer le territoire sans prendre en compte le contexte. Les élus demandent une plus grande autonomie et la mise en œuvre de formes d’aménagement qui respectent davantage son histoire, son contexte géographique ainsi que ses spécificités identitaires. Ces réactions ne sont pas propres au territoire de Mirabel. Elles ont été documentées dans d’autres territoires métropolitains en Amérique du Nord et en Europe dans lesquels des municipalités de petites et de moyennes taille ne se sentent pas suffisamment reconnues ni prises en considérations dans la mise en œuvre du projet métropolitain.

Never To Be Overlooked: A Case Study of Aspirational Urbanism in Vietnam’s Secondary Cities

Présentée par Thi Mai Thoa Tran (étudiante à l’UQAM)

Thi Mai Thoa Tran s’intéresse à la notion d’aspiration urbanistique et aux formes d’aspirations mobilisées dans la production urbaine. Elle a orienté son étude sur la ville moyenne vietnamienne d’Ha Long et a porté son analyse sur les discours et pratiques urbanistiques mis en œuvre dans ces villes dont les politiques et la situation économique sont moins regardées et moins étudiées que celles des grandes villes. Avec son cas d’étude, l’auteure s’intéresse aux formes de rêves, d’aspirations, de designs et de visions qui orientent l’aménagement des villes, les pratiques et les politiques urbaines. Dans ces modèles, l’auteure explique que l’idée de ville est associée à un avenir meilleur concrétisé par la mise en œuvre d’un urbanisme ambitieux, matérialisé par la création de nouvelles infrastructures urbaines censées répondre aux enjeux de développement urbain actuel. De ces modèles ressortent trois aspirations : l’aspiration au vert, à la propreté, à la beauté. Ces aspirations s’accompagnent de deux principaux discours : celui de la croissance verte urbaine et celui du développementalisme urbain. Pour diffuser ces discours et produire de nouveaux imaginaires urbains, de grandes campagnes publicitaires accompagnent les projets infrastructurels de « ville dans la ville ». L’esthétique des infrastructures est mise de l’avant, accompagnée de visuels aux images positives et fortes, réalisés pour certains à partir de processus participatifs afin d’inclure la population dans la nomination des infrastructures et ainsi diffuser les imaginaires proposés. Au Vietnam, ces aspirations sont peu contrôlées par les municipalités, encore moins par les petites et moyennes municipalités, excluant par là même les acteurs de ces villes, mais également d’autres avenirs et formes d’imaginations ou d’aspirations.

Séance 2 : Young People and the City

Ce panel composé de cinq interventions aborde les enjeux de vulnérabilité vécus par les jeunes adultes au Canada, aux États-Unis, en Angleterre et en Corée du Sud. Les intervenant·e·s analysent les barrières que rencontrent les jeunes adultes en contexte de migration, les enjeux économiques avec lesquels il leur faut composer et les stratégies d’adaptation et de résilience mises en place pour répondre à ces enjeux.
Student’s Gendered Perceptions of Urban Space: Spatial Imaginaries Inside and Outside the ‘Student Bubble’ in Montreal

Présentée par Nick Revington (professeur à l’INRS) et Celia Benhocine (étudiante à l’INRS)

Dans leur présentation, Nick Revington et Celia Benhocine décortiquent l’idée de la « bulle étudiante » avec une approche axée sur le genre, peu prise en compte dans les expériences des universitaires. Leur étude se focalise sur la question de la perception de la sécurité au sein de la « bulle étudiante », définie comme l’espace plus ou moins insulaire et isolé comprenant l’université et ses zones de proximité, où se concentre un grand nombre d’étudiant·e·s. Les auteur·e·s cherchent à comprendre comment cette bulle façonne les perceptions genrées des universitaires. À partir d’entretiens menés auprès de 16 étudiant·e·s de l’Université McGill, Revington et Benhocine expliquent que l’espace urbain de la vie étudiante se divise en trois principaux lieux : le logement étudiant, le campus et les espaces de loisirs. Ces lieux sont principalement perçus comme des espaces de confort et de familiarité. En revanche, en étudiant plus précisément les discours sur les perceptions de la sécurité et en leur accordant une lecture critique basée sur les études de genre, les deux auteur·e·s ont dégagé trois composantes qui permettent d’apporter une lecture genrée à ces espaces. La première composante concerne les stratégies de sécurisation des étudiant·e·s dans leurs habitudes de fréquentation et d’utilisation des lieux, variables en fonction de facteurs tels que l’achalandage, la visibilité et le temps de la journée. Même si les hommes reconnaissaient plus rarement leurs propres actions comme telles, les étudiant·e·s nommaient ces stratégies de façon implicite quel que soit leur genre, ce qui constituait une dimension importante des récits d’(in)sécurité à l’intérieur comme à l’extérieur de la bulle étudiante. La deuxième composante relève des perceptions générales des menaces à la sécurité dans les espaces du quartier. En parallèle des stratégies de sécurisation, l’étendue spatiale limitée des activités des étudiant·e·s a, dans certains cas, atténué les perceptions négatives des quartiers extérieurs à la « bulle étudiante ». La troisième composante concerne la question de la menace de violences à caractère sexuel à l’endroit des femmes. Celle-ci était omniprésente dans les perceptions de l’espace, notamment la nuit et dans la sphère des loisirs. Elle se dirigeait plus spécialement vers les populations extérieures au campus, mais qui utilisent l’espace le soir, comme les travailleuses du sexe ou les sans-abris, et cela nuance en partie la dimension d’isolement de la bulle étudiante qui, tout en étant un sous-espace avec ses propres règles et usages, est également en dialogue avec l’extérieur, que ce soit du point de vue de récits dominants stigmatisant certains usages de l’espace que du point de vue des usages réels plus larges de ces espaces.

Séance 3 : Spatial and Economic Impacts of Educational Institutions and Students

Ce panel s’intéresse aux effets spatioéconomiques des établissements scolaires et des étudiant·e·s au Canada, en Corée du Sud et aux États-Unis. Dans la première partie, on s’intéresse à la réussite étudiante du point de vue des effets de l’organisation de l’espace et des systèmes de transport en commun, et des politiques mises en place pour accompagner les étudiant·e·s. Dans la seconde partie du panel, les interventions se focalisent sur les effets des campus universitaires sur les villes en matière d’accroissement de la vulnérabilité sociale et les discours politiques portés sur ces espaces et qui accompagnent ces effets.
The University Branch Campus as Regional Development Strategy: Political and Institutional Discourse at the Metropolitan Margin in Quebec

Présentée par Celia Benhocine (étudiante à l’INRS) et Nick Revington (professeur à l’INRS)

La recherche présentée ici est ancrée dans le contexte québécois et analyse la dimension politico-économique de l’implantation de succursales universitaires délocalisées des grands centres et implantées au sein de campus satellites situés en marge des régions métropolitaines. Les auteur·e·s analysent les implications du déploiement de ces initiatives de délocalisation sur la construction et les usages de l’espace « régional » métropolitain. À travers une étude de cas d’un appel de projets pour le développement d’un campus satellite dans la région de Lanaudière, la recherche s’intéresse aux thèmes de la concurrence interurbaine et de la gouvernance, élucidant contraintes et contradictions dans les discours d’acteurs politiques et institutionnels en ce qui a trait à la spatialisation de l’enseignement supérieur. Les auteur·e·s expliquent que malgré un discours axé sur l’accessibilité, le cas à l’étude révèle que l’accessibilité à l’éducation est en réalité menacée par les dispositions spatiales inégalitaires qu’implique le modèle de succursale privilégié. Par ailleurs, ces inégalités sont peu prises en compte, car elles entrent en contradiction avec des imaginaires spatiaux institutionnels dominants. Ceci fait remonter à la surface certains enjeux importants de mobilité présents dans les régions comme Lanaudière face à l’offre existante de l’éducation supérieure. Cette région continuera à encourager des appels de projets et à envisager de futures attentes et imaginaires en réponse à ces enjeux.

Séance 4 : The Rental Market under Pressure: Outcomes, Aspirations and Measures 1 & 2

Ce panel aborde les questions du logement selon deux principales approches. La première concerne les enjeux vécus par les locataires dans un contexte de forte pression du marché immobilier au Canada et aux États-Unis. Les intervenant·e·s étudient les cas d’éviction en hausse, les raisons qui mènent aux évictions, leurs effets sur les locataires, la communauté et l’État, ainsi que les cas de harcèlement et de négligence que vivent les propriétaires. La seconde approche porte plus spécifiquement sur les représentations et imaginaires des propriétaires et des locataires concernant d’une part l’accession à la propriété et d’autre part la construction de logements locatifs.
Housing Crisis and Housing Insecurity of Older Tenants in the Private Rental Market

Présentée par Hélène Bélanger (professeure à l’UQAM)

Dans cette présentation, Hélène Bélanger sort d’une analyse du logement à partir du regard des propriétaires pour se concentrer plus spécifiquement sur les enjeux vécus par les locataires âgés. Bien que les personnes âgées reçoivent moins d’attention que d’autres groupes démographiques de locataires, elles constituent une proportion importante et croissante des locataires les plus vulnérables, notamment parce qu’elles sont moins mobiles et vivent souvent avec des revenus fixes. Beaucoup d’entre elles ont également des baux anciens, ce qui accentue la pression dans les quartiers urbains en voie de gentrification ainsi que dans les zones périurbaines en mutation, où l’offre de logements est limitée et où les pressions liées à la financiarisation augmentent. L’étude examine cette diversité de défis et de contextes en enquêtant à Montréal ainsi que dans les municipalités périurbaines de Longueuil et de Saint-Jérôme, offrant ainsi un aperçu pertinent des différents systèmes de logement. Dans ces territoires, l’auteure constate d’abord une augmentation des investissements des personnes aînées dans le marché privé du logement, particulièrement dans les zones périurbaines. Cependant, cette augmentation se confronte à la situation de ces territoires qui comprennent une forte concentration de propriétaires hautement professionnalisés. En regardant ces contextes à partir de la notion de précarité, l’auteure analyse l’incertitude, l’inaccessibilité financière et l’inadéquation vécues par les sujets de son étude. Cette précarité se présente principalement sous trois formes : interactionnelles (sociales), financières (liées aux coûts) et spatiales (qualité du logement). Sa recherche démontre également que dans les territoires étudiés, le nombre de personnes aînées délogées et sans-abris est en hausse, une situation résultant des effets cumulatifs du harcèlement des propriétaires ou des augmentations de loyer exagérées qui ne sont pas contestées par des individus déjà vulnérables.

Young Adults’ Shifting Aspirations and Ideologies of Homeownership During a Housing Crisis: The Case of Montreal

Présentée par Nick Revington (professeur à l’INRS) et Emory Shaw (étudiant à l’INRS)

Dans leur intervention, Emory Shaw et Nick Revington explorent la question de l’accès au logement, et à la propriété en particulier, à partir de l’étude de l’évolution des aspirations et idéologies des jeunes adultes locataires et la manière dont ils internalisent les discours politiques en faveur de l’accession à la propriété. Les auteurs analysent les contradictions émergentes sur le sujet en focalisant leur étude sur Montréal où, malgré un taux historiquement bas de propriétaires, l’accession à la propriété apparaît aujourd’hui comme une aspiration largement répandue. Leur étude démontre comment les jeunes adultes intègrent, s’approprient et négocient les idéologies de l’accession à la propriété, alors qu’ils font face à des opportunités de logement changeantes dans un contexte de hausse des prix sans précédent. En s’appuyant sur 22 ménages de jeunes adultes locataires, la recherche révèle que beaucoup sont ouverts à la location à long terme, mais que les reculs imminents des protections, combinés avec l’augmentation des loyers, créent un sentiment d’insécurité quant à la viabilité à long terme du logement locatif. Ces jeunes adultes se tournent vers ce qu’ils perçoivent comme une forme stable et fiable de propriété, même si cela n’est pas nécessairement financièrement avantageux par rapport à la location. Ainsi, dans un contexte où le marché locatif est perçu comme de plus en plus précaire, la propriété est vue comme le seul moyen de préserver leur mode de vie dans les quartiers qu’ils considèrent comme leur chez-soi. Ce sentiment d’insécurité et le désir de recours à la propriété, bien que plus difficile d’accès que jamais à Montréal, mettent en lumière la nature idéologique de l’accession à la propriété, perçue comme une solution à ce qu’ils considèrent comme un système locatif en voie de crise.