Plusieurs dizaines de personnes ont assisté sur place et en ligne au colloque sur les changements climatiques dans le cadre de l’ACFAS, le mercredi 15 mai 2024
Plusieurs dizaines de personnes ont assisté sur place et en ligne au colloque sur les changements climatiques dans le cadre de l’ACFAS, le mercredi 15 mai 2024
Crédits photos : Pascale Chagnon, 2024

Compte rendu – ACFAS – Colloque sur les changements climatiques : problématique actuelle

15 mai 2024 (En personne et en ligne)

Par Pascale Chagnon, étudiante au doctorat en ATDR, Université Laval

Un événement organisé par l’ACFAS

Présentation

Le mercredi 15 mai dernier, dans le cadre du 91e Congrès de l’ACFAS, s’est tenu à l’Université d’Ottawa le colloque Adaptation aux changements climatiques : problématique actuelle. De nombreuses présentations ont eu lieu tout au long de la journée, qui s’est conclue par une table ronde. Les discussions du panel de l’après-midi sont ici résumées.

La prise en compte des points de bascule et de la théorie du changement pour l’analyse des stratégies d’adaptation aux changements climatiques

Paul Beaulieu, professeur associé au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a été le premier à prendre la parole en après-midi, présentant la nécessité d’adopter une approche dynamique des engagements stratégiques dans l’adaptation aux changements climatiques. Dans un monde où l’on voit déjà les conséquences des changements climatiques, il affirme que nous avons le devoir d’amplifier l’envergure des efforts, en passant par une gestion axée sur les résultats. En effet, en visant les retombées de nos actions et en communiquant cette vision aux parties prenantes, il est plus facile de générer un engagement réel des acteurs politiques et organisationnels.

Le chercheur affirme que même si par le passé, en tant que société, nous nous sommes donné quelques balises pour favoriser l’action climatique, comme l’Accord de Paris, les contours de ces balises ne sont pas suffisamment contraignants et incitatifs pour être respectés. La preuve en est que l’objectif de garder le réchauffement du climat à moins de 1,5 °C qui était visé dans cet accord de 2015 sera bientôt dépassé et l’insuffisance des mesures mises en place n’a pas de conséquences légales.

Ainsi, alors que la société se trouve en situation d’urgence climatique, le présentateur affirme que l’approche dynamique doit être appliquée pour favoriser une gestion efficace de la crise. Cette approche permet l’évaluation de l’engagement des acteurs de tous types : gouvernements, entreprises, population citoyenne, etc.

  1. La performance de ces engagements pourrait être évaluée par;
  2. La formulation et la spécification objectives et vérifiables des cibles;
  3. L’évaluation neutre de la valeur de l’engagement;
  4. L’établissement de liens formels, quasi contractuels, envers l’engagement;
  5. L’implication d’une autorité tierce et l’institutionnalisation des règles.

L’adoption de cette approche déjà utilisée en gestion d’entreprise permettrait une gestion du climat et une adaptation sociale mesurée et intentionnelle. L’engagement des parties prenantes serait alors « pris en gage », c’est-à-dire qu’il y aurait des conséquences concrètes et rapides si les engagements n’étaient pas tenus. Par exemple, si un gouvernement ne respectait pas ses engagements dans le cadre de l’Accord de Paris, il y aurait des conséquences financières réelles et l’État serait redevable aux autres pays.

Comment contribuer à faire vivre les résultats d’une recherche-action?

La seconde présentation de l’après-midi a été offerte par Hélène Madénian, post-doctorante à l’INRS. Elle s’intitulait Comment contribuer à faire vivre les résultats d’une recherche-action? et portait sur l’expérience du Labo Climat Montréal, projet qui s’est tenu de 2019 à 2022.

Ce projet était un partenariat entre la Ville de Montréal, Ouranos et des chercheurs et chercheuses interuniversitaires autour de l’écoquartier Lachine-Est, qui souhaitaient savoir si, et comment, l’adaptation aux changements climatiques est prise en compte dans l’aménagement de secteurs urbains. La coordination de l’engagement local, les expertises dominantes ou manquantes et les choix en matière d’adaptation étaient tous des éléments en observation.

Le Labo Climat Montréal s’insérait dans un contexte où une réflexion sur l’avenir du secteur Lachine-Est était déjà en cours depuis plusieurs années, mais de nombreux points demeuraient à examiner. Un bureau de projet partagé a été mis sur pied par la Ville, ce qui a permis de réaliser des ateliers avec des acteurs locaux (la ville centre, les arrondissements, des organismes communautaires, etc.). Il semblait alors que l’adaptation faisait partie des discussions, mais n’était pas formalisée dans les moments clés du projet. De plus, certains enjeux, tels que les inondations urbaines, sont très présents alors que d’autres, par exemple les vagues de chaleur, ne sont pas abordés dans les discussions autour de l’adaptation aux changements climatiques. Finalement, la gouvernance du projet apparaît se décloisonner quand la concertation locale débute avec les organismes sur le terrain.

Des recommandations ont été faites à la Ville de Montréal à la suite de ces démarches :

  1. Inclure des enjeux de climat à l’étape de justification pour pouvoir penser dès le départ aux ressources qui devront être mobilisées. Il était à ce moment possible pour l’auditoire de faire des liens avec les précédentes présentations et des approches de gestion axées sur le résultat.
  2. Inclure le climat dans les délibérations des différentes options d’aménagement possibles, par exemple pour savoir quelles infrastructures vertes mettre en place.
  3. Se servir des outils de l’urbanisme pour l’encadrement du domaine privé, notamment pour contraindre son expansion.
  4. S’assurer de la performance et de la résilience des infrastructures vertes, c’est-à-dire réunir l’expertise nécessaire pour décider, par exemple, quel type d’arbre planter, et comment veiller à sa résilience.

L’équipe du Labo Climat Montréal est maintenant rendue à la diffusion de ses résultats. Elle a produit deux rapports de recherche et huit fiches-synthèses, plus digestes pour un public non expert. Les membres ont également participé à plusieurs webinaires, conférences, symposiums, capsules et colloques; de plus, un livre sera bientôt publié afin de favoriser la diffusion des résultats. Tout cela revêt une dimension importante pour faire vivre un projet de recherche-action et pour s’assurer d’avoir des retombées réelles.

La portée des démarches partenariales de recherche pour l’adaptation des territoires côtiers : cadre d’analyse et réflexivité pour mieux la saisir

La troisième présentation du bloc était celle de Geneviève Cloutier, professeure titulaire à l’Université Laval, et traitait d’une réflexion sur les démarches partenariales en recherche sur l’adaptation aux risques côtiers. Cette recherche partenariale se déroulait dans le cadre du projet ARICO (adaptation aux risques côtiers) sur les territoires de la Matanie, en Gaspésie, et du pays Bigouden Sud, en Bretagne, France.

Ce projet de recherche se voulait partenarial, interdisciplinaire et international. Des chercheuses et chercheurs de différentes disciplines des sciences sociales et naturelles, ainsi que des acteurs locaux étaient donc impliqués dans la construction de scénarios d’adaptation des territoires maritimes aux risques côtiers dans un contexte de changements climatiques. L’approche partenariale fut d’ailleurs une des forces du projet, alors que les partenaires de tous horizons s’engageaient activement pour établir un état des lieux contextualisé et pour considérer toutes les solutions, tant techniques que socioéconomiques.

Un tel projet de recherche comporte tout de même des défis. S’ouvrir à l’Autre, avec un grand A, établir des liens de confiance et aller chercher l’engagement des acteurs est une démarche de longue haleine. Il faut ensuite s’assurer de maintenir une implication similaire entre chaque partie prenante, et de faire le suivi des retombées.

Ces retombées peuvent en effet être tangibles, comme les rendus du projet, mais également intangibles, moins explicites. Il ne faut cependant pas les éclipser. Le suivi, la réflexivité, l’appréciation des autres, la communication, tout ceci est aussi central que l’objet même de l’étude ou la mise en œuvre des savoirs. Toutes les étapes de la réalisation d’un projet de recherche partenarial sont d’ailleurs en train d’être synthétisées dans un schéma qui devrait être publié sous peu. L’implication des différentes parties à chaque moment du projet y est schématisée, bien que certaines dimensions, telles que le caractère itératif des étapes, en soient absentes.

Finalement, une grande force que le projet a fait émerger dans la recherche interuniversitaire fut la cohésion d’équipe. En effet, tous les ans, à l’exception de la période pandémique, les équipes française et québécoise se rejoignaient deux semaines pour faire des visites de terrain et favoriser la communication et la cohésion.

Les défis et opportunités liés à l’adaptation aux changements climatiques

La journée s’est conclue sur une table ronde de tous les participant·e·s. Elle s’est ouverte avec une présentation portant sur les défis et opportunités en matière d’adaptation aux changements climatiques, présentée par Alain Bourque, directeur général d’Ouranos.

Celui-ci a d’abord parlé de la demande du gouvernement de publier les recommandations du Groupe d’experts en adaptation, publication qui devrait avoir lieu sous peu. Ce rapport comprend plus de 90 actions découlant de 20 recommandations, réparties sous 5 axes différents. M. Bourque s’est montré optimiste quant aux actions déjà mises en place. Il affirme que l’on a déjà de larges connaissances, qu’il faut maintenant agir en conséquence et qu’il faudrait une meilleure mobilisation des acteurs pour que l’on passe à l’action. Il a également mentionné qu’il était difficile de faire le suivi de l’adaptation, puisqu’il n’y a pas d’indicateurs clairs. La meilleure preuve de l’adaptation est quand rien ne se passe. Il faudrait donc arrêter de penser à la réaction et mettre plus d’accent sur la prévention. Cependant, lorsque nous nous attardons sur les 15 dernières années, nous pouvons voir qu’au chapitre de la sensibilisation des organisations, beaucoup de chemin a été fait et que des ressources humaines et financières sont mobilisées pour favoriser l’adaptation.

La question des phénomènes à long terme a ensuite été abordée. Bien que nous mettions beaucoup d’énergie sur les phénomènes rapides, catastrophiques, nous nous intéressons peu aux enjeux comme la dégradation des écosystèmes naturels, qui se calcule sur plusieurs années, et pour laquelle le risque est difficile à mesurer. Finalement, M. Bourque a mentionné que les discussions sont bonnes, pertinentes, mais que la difficulté survient quand il est question de mise en œuvre. Il y a tout de même de grands succès à l’échelon local, mais on doit maintenant généraliser et systématiser les politiques publiques pour s’adapter au territoire sur lequel elles s’appliqueront.

Malgré les avancements réalisés sur le plan de l’adaptation dans les dernières années, les effets des changements climatiques avancent plus vite encore et nous rattrapent. Il faut donc redoubler d’efforts et susciter l’engagement de tous et toutes.