L’urbanisme à l’heure du numérique
Nicolas Douay, Professeur à Institut d’urbanisme et de Géographie Alpine de Grenoble et ancien gagnant du prix du Colloque de la Relève VRM en 2007.
23 mai 2019, INRS
Par Camille Gélix, étudiante (M. Sc.), stagiaire à Villes Régions Monde
Présentation
Le 23 mai 2019 a eu lieu le 16e Colloque de la Relève de Villes Régions Monde qui a pour but de présenter les recherches de jeunes chercheurs des cycles supérieurs sur les enjeux urbains. Nicolas Douay, professeur à l’Institut d’urbanisme et de Géographie Alpine de Grenoble est venu apporter son expertise en tant que chercheur européen sur une question d’actualité : « Que fait le numérique dans la planification de l’urbanisme ? » L’objectif de sa présentation n’était pas de faire une analyse des Smart Cities, mais plutôt d’analyser des usages dans la pratique de l’aménagement comme un « processus pervasif. »
Les méthodes de l’urbanisation à l’heure du numérique : les boussoles numériques
Sur le modèle de la boussole numérique, terme emprunté à Dominique Bouillet, et les différents travaux portant sur cet outil, Nicolas Douay nous propose sa propre boussole différenciant les types d’acteurs qui collaborent au niveau privé, participatif ou institutionnel, ainsi que les différents types de plateformes numériques, qu’elles soient coconstruites, en open source ou fermées.
Il présente ainsi une typologie de quatre différents scénarios d’urbanisme numérique selon ces critères:
L’urbanisme algorithmique, qui propose un urbanisme plus rationalisé et un plus grand contrôle des flux urbains pour une gestion de la mobilité ou la sécurité avec moins d’incertitude et ou les experts ont une place centrale dans le processus. Le groupe IBM offre, sur ce modèle, des services de consulting « des villes plus intelligentes ». Il y a avec ces pratiques un retour de la figure de l’ingénieur « geek et data analyst ».
L’urbanisme ubérisé correspond à l’arrivée des groupes privés de hautes technologies qui vont faire de la ville leur marché, tel que Uber, Google, Airbnb entre autres. Leur arrivée et leur succès massif apportent leur lot de controverses et entraînent des réglementations comme la limitation du nombre de nuitées pour Airbnb, mais aussi des collaborations bénéfiques avec les services publics.
L’urbanisme Wiki est une approche selon laquelle Internet va créer de nouveaux modes d’appropriation du territoire et donner des ressources décentralisées aux citoyens. Nicolas Douay donne l’exemple d’Open Street Map. une base de données en libre accès et contributive pour les données géographiques dans le monde. Ce modèle nécessite une communication avec l’ensemble des acteurs et tend vers la recherche d’alternatives urbaines.
L’urbanisme open source : les institutions publiques peuvent avoir intérêt à développer des pratiques numériques plus transparentes pour des collaborations en interne et externe (utilisateurs, pédagogie).
Un esprit collaboratif entre les acteurs publics et privés ? : l’urbanisme communicationnel
Pour mieux comprendre les enjeux et relations entre le secteur privé et public, Nicolas Douay a proposé plusieurs exemples des deux côtés de l’Atlantique.
En Ontario, le service de transport en commun et Uber proposent une offre partenaire pour certains trajets. En effet, sachant que les VTC effectueraient un tiers des trajets à la sortie des stations de métro, il est fréquent que les services privés viennent compléter les transports en commun. Si la mobilité alternative à la voiture personnelle passe par un large panel de transport selon les besoins des utilisateurs, les villes auraient tout intérêt à collaborer avec les applications de VTC et favoriser l’implantation des entreprises de transports partagés comme les voitures électriques.
Selon l’expérience de plusieurs métropoles, notamment en France, les citadins demandent une régulation de ces marchés par les élus municipaux, en opposition au modèle libertarien « faire la ville sans les acteurs publics ». Le conférencier nous fait part du principal débat actuellement en France sur la mobilité : la réglementation des trottinettes électriques. Effet de mode ou réelle alternative en milieu urbain, elles sont rapides, silencieuses, peuvent se débloquer à l’aide d’une application et se laisser n’importe où, mais ces trottinettes sont également critiquées pour le danger qu’elles représentent pour les piétons, car circulant sur les trottoirs. Des citoyens dénoncent également un problème de circulations dû au manque d’organisation de leur stationnement.
Favorisée par un flou juridique, cette situation créée des tensions entre les acteurs qui pensent que le numérique sera essentiel à la ville de demain et ceux réfractaires à laisser ce nouveau genre d’entrepreneur organiser l’espace public. Le dénouement de cette situation dépendra de la collaboration entre les start-ups et la volonté des élus à favoriser des réponses numériques à la transition écologique de leurs villes. Selon la culture politique des pays, la gestion des enjeux urbains par le privé peut être mis en opposition avec le concept d’espace collectif public: cette perception pourrait ralentir l’impact du numérique sur sa planification.
Les promesses du numérique
À travers ces hypothèses d’évolution de l’urbanisme numérique, Nicolas Douay aperçoit deux principales promesses du numérique : des villes qui s’orientent vers la résilience et plus de participation démocratique, mais également un danger si « la boîte noire de l’algorithme n’est pas ouverte » pour en débattre publiquement. Il encourage les prochaines études à aller voir les configurations locales.
Pour consulter l’ouvrage de Nicolas Douay sur L’urbanisme à l’heure du numérique