Compte rendu de la conférence de Guy Di Méo
Les rapports entre individu, société et espace
UQAM – Département de géographie
11 mars 2015
Auteure : Lisa-Flore Sintomer
Guy Di Méo, géographe français, est professeur à l’Université Michel de Montaigne (Bordeaux III). Spécialiste de la géographie sociale et culturelle, il a été directeur de l’UMR « Aménagement, Développement, Environnement Santé et Sociétés » (ADES). Ses derniers ouvrages sont « L’espace social : Lecture géographique des sociétés », paru chez Armand Colin en 2005 et « Les murs invisibles, femmes, genre et géographie sociale », paru chez le même éditeur en 2011. Il travaille actuellement sur un projet de recherche France-Québec sur les écoquartiers, «Participation, animation, gouvernance dans les éco-quartiers – PAGODE », autour des thèmes de la participation et de la gouvernance au sein des différents projets. Ce projet, est est coordonné par Pascal Tozzi (Université de Bordeaux 3). L’équipe québécoise est notamment composée de Richard Morin (UQAM), Anne Latendresse (UQAM) et Nicolas Lozier (UQAM).
Le 11 mars 2015, Di Méo a été invité par le département de géographie à l’UQAM en collaboration avec le réseau interuniversitaire Villes Régions Monde (VRM) et la faculté des sciences humaines. Les professeurs Anne Gilbert, de l’Université d’Ottawa, et Rodolphe De Koninck, de l’Université de Montréal, étaient présents et ont participé à la discussion qui a suivi la conférence. Di Méo est venu présenter son parcours intellectuel et scientifique en discutant des différentes influences qui l’ont inspiré au cours de ses quarante années de carrière. Il a ainsi présenté différents moments de son évolution théorique, de la géographie classique à la géographie sociale.
Au début des années 1960, Di Méo est étudiant à l’université de Bordeaux. On y enseigne une géographie plutôt classique, fondée sur un double mouvement : la description et l’explication. Divers courants vont venir peu à peu étoffer sa réflexion, l’aider à monter un cadre théorique et à inventer des outils d’analyse. Du marxisme, il emprunte le concept de structuration de la société qui renvoie à divers modes de production. Son cadre s’enrichit également des principes généraux de structuration de l’espace, tirés de la géographie économique. De ce moment, il garde quatre grands principes du structuralisme. Tout d’abord, il y a toujours derrière les phénomènes conscients, visibles, une dimension cachée. Le chercheur se doit donc d’aller chercher l’invisible derrière le visible. D’autre part, il faut prendre pour base de toute analyse, non pas les éléments, les termes, mais plutôt les relations ; ce qui relie les entités entre elles. Il s’agit ensuite de supposer que les phénomènes font système, notamment lorsqu’ils se spatialisent, ce qui leur donne de la force. Enfin, il faut toujours croire à l’existence de lois et de valeurs universelles valables pour toutes les cultures.
Di Méo va ensuite passer sa thèse, dans les années 1970. Le courant de la géographie sociale est alors en pleine émergence. Ce qui l’intéresse dans celui-ci, c’est la perception de l’espace géographique en tant que structure globalisée, où l’espace social est un « rapport des rapports » ; le produit d’une interaction entre rapports sociaux et rapports spatiaux. La nature de l’espace social est, elle, constituée par l’interaction du substrat géographique et économique et de la super structure culturelle, politique et idéologique. Ce jeu interactionniste produit des formes spatiales que le chercheur peut analyser. Pour ce faire, Di Méo emprunte à Alain Reynaud la notion de « classes sociaux-spatiales ». Il l’assouplie, la nuance, et forge l’idée de l’existence de « formations socio-spatiales ». Celles-ci, à la manière des formations géologiques, sont formées par une série de couches, d’éléments, qui entrent en interaction. C’est ce qu’il appelle le « modèle de la formation socio-spatiale ». Cet outil permet d’avoir une vision interconnectée des objets que l’on étudie et que l’on analyse, sans les autonomiser de leur milieu.
Le dernier élément central arrive au début des années 1980, avec l’émergence d’un courant qui effectue un retour à l’acteur et qui s’intéresse aux représentations sociospatiales. Jusque-là, dans les autres traditions, les objets géographiques sont objectivés, distanciés du chercheur et de l’individu. Pourtant, ils se situent dans des unités géographiques, à l’intérieur desquelles naissent des représentations de la réalité. Il apparaît alors essentiel de tenir compte de la manière dont les agents se représentent leur réalité quotidienne pour comprendre la réalité sociale et géographique dans son ensemble.
Ces différents courants ont donné à Di Méo un regard théorique très fort sur l’espace. Pour conclure, l’auteur retient quatre conceptions de l’espace, qui, loin de s’exclure, se complètent et se combinent. Elles constituent son arrière fond théorique. La première est une conception assez traditionnelle, avec un espace cartésien. Nous sommes le logo (pensée), séparés de la substance (choses) et de l’étendue (espace). La seconde est une conception kantienne, dans laquelle nous sommes une production interne de l’espace, que l’on peut aussi retrouver dans le concept « d’espace vécu ». La troisième conception est celle de l’espace social, de l’interaction de rapports sociaux et spatiaux. Enfin, la dernière est celle de l’hyper espace, virtuel et délocalisé, qui échappe aux représentations et à la perception directe. Leur association permet d’avoir un outil théorique riche et relativement complet pour comprendre l’espace.