8 juin novembre 2023 (En personne et en ligne)
Par Rachel Nadeau, étudiante au doctorat en droit, Université Laval
Un événement organisé par Vivre en ville
Présentation
Le 8 juin dernier a eu lieu la 7e édition des Rendez-vous Collectivités viables, organisé par Vivre en Ville. Diverses figures du milieu municipal ont été appelées à réfléchir et discuter sur le thème de l’action climatique municipale. Comme souligné dans le mot d’ouverture du directeur général de Vivre en Ville, Christian Savard, cette édition visait à proposer des solutions aux problématiques rencontrées par les municipalités et non simplement à les constater. Le lancement de l’Appel des mairesses et maires en action a également été annoncé en introduction. Cette initiative témoigne de l’engagement de plus de 40 mairesses et maires du Québec à réaliser certaines actions structurantes pour le climat dans les milieux de vie.
Ponctuée de nombreuses conférences et panels, la journée a été divisée en quatre thématiques : 1) le nouveau cadre; 2) la sobriété territoriale; 3) l’adaptation climatique; et 4) le leadership climatique.
Thématique 1 – Nouveau cadre : se donner les moyens de passer à l’action
Cette première thématique a proposé, lors de deux conférences et d’un panel portant sur l’économie, des outils accessibles aux municipalités pour s’engager dans l’action climatique. Anna Zetkulic, associée principale (senior associate) au Rocky Mountain Institute, a amorcé la journée par une présentation des pistes d’action principales offertes aux collectivités locales pour réduire leur empreinte carbone. La chercheuse explique que la densification et le développement compact sont des éléments importants, car ils ont le potentiel de réduire les émissions de la même manière que l’électrification des nouveaux bâtiments ou des moyens de transport. En d’autres termes, la densification et le développement compact sont considérés comme des facteurs clés pour atteindre l’objectif de réduction des émissions. Anna Zetkulic a axé ses propos sur l’importance de la densification dans des zones nécessitant le moins de distance parcourue par des véhicules (low-VMT area) pour montrer comment l’électrification de nouveaux bâtiments ou moyens de transport peuvent créer une réduction d’émission carbone dans l’aménagement urbain.
La deuxième conférence, présentée par Yuill Herbert, directeur du Sustainability Solutions Group, s’est également intéressée aux initiatives axées sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en abordant l’établissement de budgets carbone pour les collectivités locales. Un budget carbone agirait comme un système de gestion permettant d’atteindre des cibles de réduction d’émissions. M. Herbert a présenté certains éléments facilitant la mise en application d’une telle initiative. Par exemple, un alignement entre les systèmes financiers et le budget de la ville ainsi que l’utilisation de politiques et d’outils, comme un calculateur de GES pour évaluer les projets municipaux, y contribueront positivement. De plus, l’importance d’une bonne structure de gouvernance et l’instauration de mécanismes de reddition de comptes ont été mentionnées.
Enfin, le panel portant sur l’économie de la première thématique de la journée a consisté en une discussion avec Geneviève Morin, présidente-directrice générale de Fondaction, et Charles Milliard, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Il a été question du rôle des acteurs économiques dans les actions climatiques, dont l’investissement dans des projets présente des retombées positives pour la société. L’importance de faire front commun entre les milieux financiers, municipaux et économiques a été abordée, puisque selon les intervenant·e·s, la solution doit être collective plutôt que de représenter une somme de gestes individuels.
Thématique 2 – Sobriété territoriale : transformer les milieux de vie pour réduire les émissions de GES
La deuxième thématique de la journée a porté sur la prise d’actions transformatives. Tout d’abord, Amandine Rambert, directrice de projet chez Vivre en Ville, s’est basée sur l’initiative Municipalités amies du climat pour aborder la relation entre la croissance urbaine et la sobriété territoriale. Cette communauté de pratique rassemble présentement sa deuxième cohorte de municipalités engagées pour le climat. Les cinq municipalités participantes à la cohorte 2022-2024 (Joliette, La Prairie, Saint-Jean-sur-Richelieu, Saint-Basile-le-Grand et Sherbrooke) sont accompagnées par Vivre en Ville dans leurs démarches de réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation aux changements climatiques. L’initiative se décline en deux volets : un réseau de soutien entre les municipalités participantes et un volet individuel d’accompagnement permettant à chacune des municipalités d’élaborer sa propre démarche et de la mettre en œuvre. Par exemple, Vivre en Ville a élaboré avec les municipalités des cartes d’émission visant à identifier les milieux permettant des déplacements à faible empreinte carbone. La présentation de Mme Rambert a été suivie d’un panel portant sur la régénération des collectivités.
Quatre acteurs municipaux ont présenté des initiatives adoptées sur leur territoire. Philippe Pagé, maire de Saint-Camille, a exposé comment sa municipalité a élaboré un plan de densification de son périmètre urbain. Quant à Jean-François Morissette, directeur du service de la gestion du territoire et du développement durable de Victoriaville, il a présenté la méthodologie utilisée, et soutenue par Vivre en Ville, pour identifier les potentiels de revitalisation et de requalification dans sa municipalité. Du côté montréalais, Fella Maherzi, conseillère en planification, dans l’arrondissement de Lachine-Est, a abordé l’idée du développement de cet arrondissement et l’objectif d’y implanter un écoquartier, alors que Laurent Chevrot, directeur général de l’Agence de mobilité durable, a présenté les manières visant à réduire l’espace public dédié à l’automobile dans Montréal.
Thématique 3 – Adaptation climatique : utiliser les aléas et les crises pour accélérer les changements
La troisième thématique de la journée a porté sur la question de l’adaptation climatique. Joanna Eyquem, directrice générale au Centre Intact d’adaptation au climat de l’Université de Waterloo, a présenté une série d’outils disponibles pour les municipalités face à trois évènements climatiques : les inondations, les feux de forêt et les vagues de chaleur. Outiller la population, former le personnel municipal, travailler avec les entreprises et utiliser des normes ou des guides feraient partie des actions essentielles pour s’adapter et réagir à ce type d’évènement. Trois messages clés sont ressortis de sa présentation : 1) investir sérieusement dans l’adaptation aux changements climatiques; 2) donner les moyens aux citoyen·ne·s de comprendre les risques climatiques; et 3) renforcer la résilience climatique ainsi que la valeur économique et sociale par des infrastructures naturelles.
En deuxième partie de cette thématique a eu lieu le panel intitulé « Bâtir la résilience », où les panélistes ont énoncé des initiatives concrètes d’adaptation. D’abord, Antoine Verville, directeur de l’aménagement du territoire, du transport et de la mobilité durable à la Communauté métropolitaine de Québec, a présenté certaines des pratiques axées sur la réduction de risques reliés aux changements hydroclimatiques. Il a entre autres été question de l’adoption d’un règlement de contrôle intérimaire pour protéger les sources d’eau potable et limiter les interventions humaines. Puis, Jean-Sébastien Bourque, directeur du service de l’urbanisme de New Richmond, a expliqué le projet de gouvernance participative sur l’érosion côtière. Ce projet s’est aussi traduit par la création d’un outil de vulgarisation d’un cadre normatif, développé par la MRC d’Avignon. Cela permet d’informer la population des installations possibles à faire sur les terrains privés tout en réduisant les activités, potentiellement néfastes, à proximité des côtes. Enfin, Myriam Gemme, chargée de projet en adaptation aux changements climatiques au Conseil régional de l’environnement et du développement durable de l’Outaouais, s’est penchée sur deux projets d’adaptation aux changements climatiques à Gatineau : premièrement, l’adoption d’un plan directeur d’aménagement visant à créer des espaces d’aménagements résilients aux inondations et deuxièmement, la campagne Vivre en vert, qui vise à soutenir financièrement les projets de verdissement dans les communautés vulnérables.
Thématique 4 – Leadership climatique : entraîner la collectivité dans le changement
Cette dernière thématique a débuté par une conférence de John J. Bauters, maire de la municipalité d’Emeryville, en Californie. Il est venu présenter certaines des initiatives de cette municipalité de 12 000 personnes pour lutter contre la crise du logement tout en se préoccupant de l’action climatique. Ainsi, la municipalité a adopté des politiques pour, d’abord, favoriser le logement abordable et la protection des locataires et, ensuite, s’inscrire dans la mobilité durable en priorisant la sécurité des piétons. Le maire a présenté le Nellie Hannon Gateway, un complexe d’habitations situé sur une propriété appartenant à la municipalité, dont 25 % des logements sont destinés aux personnes en situation d’itinérance et à leurs familles. M. Bauters a aussi réitéré l’importance, pour les politicien·ne·s municipaux, de soutenir le travail de l’administration municipale.
Le dernier panel de la journée a porté sur les façons de guider l’action climatique. Cette discussion entre trois mairesses et maires (Julie Bourdon, Granby; Stéphane Boyer, Laval; Andrée Bouchard, Saint-Jean-sur-Richelieu) a permis d’aborder des sujets diversifiés comme les manières de garder l’action climatique en priorité, les quartiers sans voiture, l’adoption d’un plan de densification, les outils financiers disponibles et la place que devrait occuper le gouvernement du Québec dans l’adoption d’objectifs nationaux clairs.
Conclusion – La grande conférence
Le Rendez-vous Collectivités viables s’est terminé par la traditionnelle grande conférence, une discussion animée par Rose-Aimée Automne T. Morin, animatrice, chroniqueuse, autrice et scénariste. Les personnes prenant part à ce dernier évènement incluaient Jeanne Robin, directrice principale de Vivre en Ville, Karel Mayrand, président-directeur général de la Fondation du Grand Montréal, et Maxime Pedneaud-Jobin, collaborateur spécial à La Presse et ancien maire de Gatineau. Le rôle des municipalités comme acteurs du changement a été réitéré à l’unanimité, tout comme l’influence des préoccupations et des pressions citoyennes grandissantes au regard des enjeux environnementaux. La question du financement des initiatives environnementales a aussi été abordée, autant en ce qui a trait aux limites de la fiscalité municipale actuelle qu’au besoin d’investissements de la part de l’État dans le réseau du transport en commun. Un appel aux limites de la croissance a aussi été lancé, par rapport à la croissance des villes ainsi qu’au besoin de diminuer le nombre de véhicules sur les routes, malgré l’électrification des transports.