Collage, décembre 2022 Source : Riemer et Watts
Collage, décembre 2022 Source : Riemer et Watts

Villes, climat et inégalités – Considérations clés pour corriger le déficit d’équité dans l’action climatique municipale

Jennifer Dobai, Étudiante au doctorat en psychologie communautaire – Département de Psychologie, Wilfrid Laurier University et Viessmann Centre for Engagement and Research in Sustainability (VERiS)

Manuel Riemer, Professeur en psychologie communautaire et science du développement durable – Département de Psychologie, Wilfrid Laurier University et Viessmann Centre for Engagement and Research in Sustainability (VERiS)

Introduction

Les municipalités jouent un rôle crucial dans la lutte contre les changements climatiques. Souvent, leur première initiative pour relever ce défi consiste à élaborer un plan d’action climatique (PAC), qui exige des mesures de la part de la Municipalité ou de la part de la collectivité. Toutefois, ces plans se limitent habituellement aux seules questions environnementales et omettent d’autres défis majeurs auxquels les municipalités sont confrontées. Entre autres conséquences inattendues, cette approche étroite et isolée a conduit à un déficit d’équité qui exacerbe les inégalités existantes chez les communautés marginalisées.

Pour déterminer des approches efficaces permettant de remédier au déficit d’équité dans les PAC municipaux, il est utile de le considérer comme l’un des symptômes d’un problème beaucoup plus vaste. Comme le soulignent Homer-Dixon et ses collègues, le problème qui se présente à notre société mondiale est d’une extrême complexité et ses répercussions sont bien plus importantes que n’en aurait une série de défis distincts. En effet, nous sommes devant une polycrise mondiale, c’est-à-dire « une macro-crise unique d’échecs interreliés et inexorables des systèmes naturels et sociaux vitaux de la Terre qui dégradent de manière irréversible les perspectives de l’humanité » (2022, p. 3). Pour faire face à cette crise complexe de manière adéquate à l’échelon local, il faut une transformation massive au cœur de l’organisation municipale plutôt que des changements progressifs en périphérie (Posselt et coll., 2022). Dans cet article, nous présentons les résultats de deux études portant sur le même contexte municipal. La première étude s’est intéressée à la manière dont les acteurs de la durabilité municipale perçoivent le déficit d’équité et ses causes, tandis que la seconde s’est penchée sur la première étape de la transformation du rôle central d’une municipalité.

État de la littérature scientifique

Les PAC énoncent les lignes directrices, et les stratégies qui en découlent, élaborées par les administrations municipales et d’autres acteurs locaux pour réduire les émissions de GES (atténuation) ou s’adapter aux effets des changements climatiques en réduisant la vulnérabilité et en renforçant la résilience (adaptation) (Boswell et coll., 2019; Guyadeen et coll., 2019; Ouranos, s.d.). Si les PAC des municipalités peuvent comporter des actions et des solutions bien intentionnées, ces efforts peuvent involontairement aggraver des disparités préexistantes, voire donner lieu à de nouvelles iniquités. Par exemple, la mise en place de systèmes de transport léger sur rail pour encourager l’utilisation des transports publics entraîne souvent un phénomène connu sous le nom d’« éco-embourgeoisement », qui peut se traduire par le déplacement de communautés marginalisées, à faible revenu et racialisées du centre urbain vers la banlieue (Rice et coll., 2020). Ces inégalités dans l’action climatique sont ce qu’Agyeman appelle le « déficit d’équité » (2005, p. 44). Le déficit d’équité souligne combien les discours sur la durabilité (présents dans les PAC) ne tiennent souvent pas compte de la justice sociale et de l’équité, ce qui affecte négativement les groupes marginalisés. Selon plusieurs recherches, l’omission des effets de l’action climatique sur ces communautés dans les plans actuels pourrait être attribuée au manque d’implication véritable et significative, couplé à une représentation inadéquate des parties prenantes et des titulaires de droits essentiels, en particulier ceux et celles qui appartiennent à des groupes en quête d’équité (Champagne, 2020; Guyadeen et coll., 2019). Une autre explication potentielle est que le mode actuel d’organisation et de fonctionnement des structures du système municipal est enclin au cloisonnement, c’est-à-dire que les projets et les tâches des municipalités sont répartis entre certains services ou secteurs (Oseland, 2019). Par exemple, les municipalités ont tendance à confier à un bureau périphérique la responsabilité des actions en faveur du climat et à un autre celle des initiatives en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion – généralement avec un manque de collaboration entre les services. Le travail en silos est considéré comme un obstacle majeur à la planification de l’action climatique, au même titre que les capacités, les ressources, les connaissances et le financement limités du personnel, ainsi que les connaissances et la sensibilisation du public quant aux questions liées aux changements climatiques (Oseland, 2019; Oulahen et coll., 2018; Philp et Cohen, 2020). Même si le déficit d’équité est une préoccupation croissante pour les instances municipales, on sait peu de choses sur la manière dont celles-ci comprennent le lien entre l’action climatique et la justice sociale et sur la manière dont elles s’attaquent au déficit d’équité.

Une prise en compte inadéquate des interrelations dans un monde de plus en plus « hyperrelié » (Forum économique mondial, 2013) entraîne des risques et des vulnérabilités critiques (Helbing, 2013; Raworth, 2017; Steffen et coll., 2015). Les systèmes environnementaux et sociaux complexes agissent les uns avec les autres, ce qui entraîne des effets non linéaires en cascade difficiles à prévoir et à gérer, comme l’a montré la pandémie de COVID-19 (Helbing, 2013; Homer-Dixon et coll., 2022; Jones et coll., 2022). Bien que l’on ait de plus en plus conscience de ces complexités, les équipes dirigeantes municipales ont du mal à y faire face, car elles agissent dans le cadre d’un paradigme de gestion publique qui n’est plus adapté (Jones et coll., 2022; Posselt et coll., 2022). Le Centre for Public Impact (s.d.), par exemple, souligne les déficits majeurs dans la gestion gouvernementale des défis complexes et la nécessité pour les gouvernements d’adopter une vision fondée sur un nouvel ensemble de croyances, de valeurs et de principes qui reflètent la complexité croissante de notre monde. De même, le rapport de la première conférence Innovate4Cities en 2021 a souligné un « écart de mise en œuvre » entre l’ambition exprimée dans les PAC et l’établissement d’objectifs et les progrès réels réalisés, qui restent largement progressifs (Convention des maires pour le climat et l’énergie et ONU-Habitat, 2022). Ces rapports et un nombre croissant de recherches (p. ex., celles de Jones et coll., 2022; Posselt et coll., 2022) soulignent l’importance de l’application de la pensée systémique et des approches systémiques, ainsi que des transformations en profondeur pour gérer la complexité. Turner et Wills (2022) soutiennent toutefois que les administrations locales ont été découragées par la complexité associée à l’opérationnalisation des cadres systémiques intégratifs, tels que les objectifs de développement durable des Nations Unies et le modèle économique du beignet (Raworth, 2017). Les dirigeants et dirigeantes municipaux manquent actuellement d’approches pratiques et empiriques pour gérer la polycrise de manière systémique, ainsi que d’un état d’esprit et d’une mobilisation nécessaires pour utiliser ces approches de manière adéquate (Posselt et coll., 2022).

Cas, méthode et données de la recherche originale

Objectifs. Nous présentons les résultats de deux études de cas que nous avons menées de front dans la région de Waterloo afin d’examiner le déficit d’équité et le processus de transformation au sein d’une municipalité sous deux angles différents. La première étude de cas a cherché à comprendre, par le biais d’une étude qualitative descriptive exploratoire, comment les instances municipales comprennent et traitent actuellement le déficit d’équité dans leur plan d’action climatique. La seconde étude de cas a porté sur un processus produit en collaboration dans le cadre d’ateliers animés visant à faire évoluer les mentalités des dirigeants et dirigeantes municipaux, première étape d’une transformation à plus long terme de la gouvernance et de la gestion municipales.

Contexte. Cette recherche s’est déroulée dans la région de Waterloo (WR), une municipalité de palier supérieur située dans le sud-ouest de l’Ontario, au Canada. La région se compose de huit municipalités, dont trois villes et quatre cantons. La région a été reconnue comme une leader de premier plan dans la lutte contre les problèmes climatiques (Guyadeen et coll., 2019) et abrite divers mouvements et groupes locaux, tels que Land Back Camp, Sustainable Waterloo Region, Faith Climate Justice et la campagne 50x30WR. La deuxième étude de cas s’est concentrée sur l’une des trois villes de la région de Waterloo, Kitchener, qui a été reconnue pour son leadership en matière de participation du public, de planification de l’action climatique, de stabilité financière, d’amélioration continue et de bien-être de la communauté.

Méthodes. Dans la première étude de cas (Dobai et Riemer, 2023), nous avons mené sept entretiens qualitatifs semi-structurés avec des membres de l’équipe de gestion du PAC de la communauté régionale, qui comprend du personnel axé sur la durabilité de diverses municipalités et des membres de deux groupes environnementaux éminents de la région de Waterloo. Nous avons ensuite analysé les données à l’aide d’une analyse de modèle, un type d’analyse thématique (Brooks et coll., 2015; King, 2012). Pour la deuxième étude (Jones et coll., 2022), notre équipe a mené cinq entrevues semi-structurées avec quatre membres de l’administration de la Ville de Kitchener qui ont participé à la série d’ateliers d’introduction du programme Enterprise Evolution, ainsi que des entrevues avec les trois membres de l’organisation REFOCUS qui ont animé les ateliers. De plus, nous avons examiné divers documents pertinents de la Ville et du projet. La recherche a été financée par une subvention d’engagement partenarial du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (chercheur principal : Jones, cochercheur principal : Riemer).

Résultats

Étude 1. Pour la première étude, six thèmes principaux ont émergé des données des entretiens (figure 1). Le thème 1, qui va de l’arrière-plan au premier plan, décrit comment les instances municipales engagées dans la planification de l’action climatique comprennent que les questions de justice, d’équité et de durabilité sont liées, mais rencontrent des obstacles pour faire passer cette compréhension dans la pratique et les actions quotidiennes. Les thèmes 2 et 3 traitent des défis auxquels se heurtent les instances municipales lorsqu’elles s’attaquent au déficit d’équité, tels que les défis structurels et de capacité. Dans le cadre des défis structurels, les participants et participantes ont perçu la bureaucratie, les processus administratifs et électoraux, les mandats et les silos entre services comme contribuant au déficit d’équité, ou du moins comme entravant leurs efforts pour y remédier. En outre, les problèmes de capacité liés au manque de temps, de ressources, de financement et de connaissances ont été considérés comme un autre obstacle à la mise en œuvre des considérations relatives à la justice et à l’équité et comme un facteur aggravant du déficit d’équité. Les thèmes 4 et 5 ont mis en évidence les pistes potentielles que les instances municipales envisagent pour remédier au déficit d’équité. Les sujets de l’étude ont également relevé le besoin d’une pensée systémique pour aborder le déficit d’équité et d’autres questions connexes interreliées, en plus de percevoir le besoin de connexions et de relations (thème 5) comme une piste potentielle non seulement pour surmonter les défis de capacité mais aussi pour aborder de manière efficace le déficit d’équité. Enfin, le thème 6, un thème mineur, a souligné l’importance de la sensibilisation et de la connaissance de la communauté quant aux questions de justice, d’équité et de durabilité pour la prise de décision et les objectifs des instances municipales en ce qui concerne la planification de l’action climatique.

Figure 1. Schéma conceptuel des principaux thèmes de l’étude de Dobai et Riemer (2023)
Figure 1. Schéma conceptuel des principaux thèmes de l’étude de Dobai et Riemer (2023)

Étant donné que l’une de nos conclusions indique la nécessité d’une pensée systémique et que le déficit d’équité représente un défi complexe impliquant des questions interreliées, nous discutons des résultats en appliquant le modèle de l’iceberg, qui est une application pratique de la théorie et de la pensée systémiques. Le modèle de l’iceberg se compose de quatre niveaux – événement, modèles et tendances, structures sous-jacentes, modèles mentaux – qui aident à visualiser et à comprendre comment un événement (la partie visible d’un iceberg; voir figure 2) est influencé par différents modèles, structures et modèles mentaux invisibles (Academy for Systems Change, 2019). En utilisant ce modèle, nous soulignons la nécessité d’un changement transformateur au niveau le plus profond, soit dans les mentalités des décisionnaires.

Analyse du système : En appliquant le modèle de l’iceberg au déficit d’équité dans la planification municipale de l’action climatique, le niveau de l’événement souligne que la valeur de la justice sociale et de l’équité est reconnue dans la planification de l’action climatique et que des considérations y sont intégrées, mais que l’intégration et la mise en œuvre de ces considérations n’en sont encore qu’à leurs débuts. En essayant de mieux comprendre les tendances et les modèles qui ont conduit au déficit d’équité dans la planification de l’action climatique municipale, le manque de connexions et de relations significatives et authentiques avec les groupes marginalisés est apparu comme une explication. Pour parvenir à un engagement significatif, les municipalités peuvent soutenir des mouvements de base et travailler avec eux pour établir des partenariats dans le cadre d’initiatives communautaires existantes (Niehaus, 2022). Cela implique de transférer le leadership et le contrôle du processus de participation de la municipalité aux groupes locaux en quête d’équité, ce qui peut s’avérer difficile pour les instances municipales compte tenu de leurs attentes en matière de contrôle des risques et de gestion de l’impression (Bevan, 2022; Niehaus, 2022). Le troisième niveau a examiné les structures sous-jacentes (p. ex., les institutions, les politiques, les processus) qui influencent les tendances du déficit d’équité. Ce niveau a mis en évidence la façon dont la structure organisationnelle et de gouvernance municipale crée des défis structurels (p. ex., les silos entre services) et de capacité (p. ex., les ressources limitées) pour les instances municipales dans la lutte contre le déficit d’équité. Pour surmonter ces difficultés, il est nécessaire de renforcer les liens et les relations avec la communauté et d’adopter une approche systémique pour s’assurer que la justice et l’équité sont considérées comme des éléments centraux de la planification de la durabilité et de l’action climatique. Au niveau le plus profond, celui des modèles mentaux, nous avons étudié les valeurs, les croyances et les hypothèses qui soutiennent et perpétuent le déficit d’équité. Les croyances et hypothèses individualistes, capitalistes et coloniales ont été considérées comme des explications ou des justifications de la manière dont les municipalités sont actuellement structurées dans de nombreux pays. Par exemple, les équipes dirigeantes municipales d’Amérique du Nord ont utilisé la planification pour servir des objectifs coloniaux, tels que le déplacement et l’effacement des peuples autochtones (Porter et coll., 2017). Il est donc nécessaire d’adopter d’autres modes de pensée et de planification pour intégrer les connaissances, les croyances et les pratiques de planification des peuples autochtones et leur faire une place, ainsi que pour permettre aux non-Autochtones de désamorcer leurs privilèges et leurs modèles mentaux fondés sur la colonisation et d’y réfléchir (Latulippe et Klenk, 2020; Porter et coll., 2020).

 Ainsi, il est essentiel que les instances municipales et les autres parties prenantes engagées dans la planification et la mise en œuvre de l’action climatique locale appliquent la pensée systémique et s’engagent dans un changement de paradigme en s’éloignant des modèles mentaux influencés par le néolibéralisme et l’héritage colonial de l’Amérique du Nord. Alors que nous travaillons à des transformations pour la résilience et la durabilité en relevant ces défis complexes, il est essentiel de veiller à ce que les injustices existantes ne soient pas perpétuées ou même exacerbées. Pour ce faire, la justice raciale, la souveraineté des peuples autochtones et la réconciliation avec eux, ainsi que d’autres questions de justice sociale doivent devenir une priorité pour ceux et celles qui élaborent et mettent en œuvre des plans stratégiques visant à relever ces défis. Ce changement de modèle mental est la première étape de la transformation nécessaire, ce qui nous amène aux résultats de la deuxième étude.

Étude 2. Le processus de coproduction qui a été appliqué à la Ville de Kitchener fait partie du programme Enterprise Evolution (EE), un programme relativement nouveau de développement organisationnel et d’apprentissage fondé sur la théorie des systèmes. Dans le cadre d’ateliers animés, l’EE applique la théorie de l’effet de levier (Murphy et Jones, 2020), selon laquelle plus la couche est profonde dans le système, plus son potentiel comme point de levier est important et susceptible de permettre un changement transformateur à long terme. Comme nous l’avons vu plus haut, dans la couche la plus profonde se trouvent les modèles mentaux, qui comprennent les mentalités des dirigeants et dirigeantes municipaux. Comme première étape du parcours d’EE (voir la théorie du changement à la figure 2), une série d’ateliers a été élaborée conjointement par REFOCUS et le personnel de la Ville de Kitchener.

Figure 2. Modèle de l’iceberg, EE, théorie du changement. Source : Jones et coll. (2022, p. 12)
Figure 2. Modèle de l’iceberg, EE, théorie du changement
Source : Jones et coll. (2022, p. 12)

Ensemble, ils ont réussi à faire évoluer les mentalités des dirigeants et dirigeantes et à jeter les bases d’une importante transition dans leurs approches de la gestion stratégique. Le premier atelier comprenait une autoréflexion guidée sur les lacunes de la gestion stratégique actuelle à l’aide d’exemples concrets et propres au contexte de Kitchener. La tenue de l’atelier animé avait pour prémisse – et cela a ensuite été confirmé lors de nos entretiens – que les idées que les dirigeants et dirigeantes pouvaient générer par autoréflexion étaient beaucoup plus puissantes que l’aurait été un exposé donné par un groupe extérieur sur les lacunes générales des pratiques actuelles de gestion stratégique. Des modèles de systèmes de durabilité macroéconomique, tels que la théorie du beignet (Raworth, 2017), ont également été présentés et les personnes participantes ont eu l’occasion d’explorer ensemble ce que ces modèles pourraient révéler dans leur situation actuelle et comment ils pourraient être intégrés dans les pratiques de gestion stratégique. L’objectif du deuxième atelier était de permettre une première exploration des outils et méthodes de gestion systémique, tels que la MultiCapital Scorecard® et la Flourishing Enterprise Strategy Design Method (FESDM). L’équipe dirigeante a ainsi pu mieux comprendre et mesurer la valeur de l’adaptation des pratiques de gestion stratégique afin de les rendre plus systémiques (un article sur ces innovations en matière de gestion systémique est à paraître). Le dernier atelier a permis à l’équipe dirigeante de réfléchir aux connaissances et expériences nouvellement acquises, ainsi qu’à la manière dont elles pourraient lui permettre de mieux faire face aux défis complexes qui se profilent. 

À l’issue des ateliers, les dirigeants et dirigeantes ont mieux compris l’utilité de la pensée systémique pour gérer la complexité et la manière dont ils pourraient être amenés à adapter leurs pratiques de gestion. Selon une personne participante, l’expérience s’apparentait à « avoir une tête supplémentaire, qui pensait différemment et remettait en question notre façon de faire, de manière respectueuse ». Parmi les facteurs de réussite des ateliers, citons l’adaptation cocréative de la mobilisation, la recherche d’un langage commun, l’expérimentation d’éventuels nouveaux outils et méthodes afin de comprendre leur valeur pour les besoins spécifiques de Kitchener, ainsi qu’un environnement d’apprentissage respectueux, positif et sûr. Compte tenu du succès de cette première étape, l’équipe dirigeante de la municipalité s’est engagée dans un processus de coproduction de deux ans avec REFOCUS afin d’élaborer un nouveau plan stratégique plus intégratif, orienté vers le collectif, adaptable et en phase avec les conclusions de la phase initiale. Cette deuxième phase du processus est presque terminée et le nouveau plan sera bientôt présenté au conseil municipal et au public.

Conclusion

Alors que les municipalités reconnaissent de plus en plus leur rôle et leur responsabilité dans la lutte contre les changements climatiques à l’échelon local, elles sont confrontées à la complexité du problème et à son interdépendance avec d’autres défis émergents. Par conséquent, une action climatique municipale bien intentionnée peut avoir des conséquences inattendues, telles que le déficit d’équité dont il est question dans ce résumé. S’il ne s’opère pas de transformation au cœur de l’organisation municipale, les services chargés du développement durable et du climat auront beaucoup de mal à surmonter le déficit d’équité, même s’ils reconnaissent l’importance de cette tâche, comme l’ont fait les sujets de la première étude de cas. Les équipes dirigeantes municipales sont appelées à adopter résolument une perspective systémique, à aborder de manière intégrée les défis interreliés auxquels elles sont confrontées et à se considérer comme faisant partie des nombreux éléments interreliés du système au sein duquel elles agissent (c’est-à-dire la Ville). De cette manière, elles peuvent devenir des figures de proue pour mobiliser l’ensemble du système, y compris les membres de la communauté et les organisations qui sont traditionnellement en marge. Cette transformation d’envergure nécessite un changement dans la couche la plus profonde du système, celle des modèles mentaux, qui oriente les décisions et les actions des principales parties prenantes. Pour éviter les déficits d’équité, les dirigeants et dirigeantes doivent adopter des mentalités fondées sur la décolonialité, les droits de la personne et la lutte contre le racisme, en plus de la pensée systémique. Cette base permettra des changements relationnels, structurels et politiques plus importants et donnera aux municipalités les moyens de reconnaître la polycrise et donc d’aller au-delà des simples changements progressifs dans la lutte contre les changements climatiques. S’il est urgent de prendre des mesures pour lutter contre ces derniers, à l’ère de la polycrise, nous ne pouvons plus nous permettre de résoudre un problème à la fois.

Pour citer cet article

Dobai, J., Riemer, M. (2024). Considérations clés pour corriger le déficit d’équité dans l’action climatique municipale. Dans Répertoire de recherche Villes, climat et inégalités. VRM – Villes Régions Monde. https://www.vrm.ca/considerations-cles-pour-corriger-le-deficit-dequite-dans-laction-climatique-municipale