Villes, climat et inégalités
Examen des considérations en matière d’équité et de justice dans les plans environnementaux de Vancouver
Avril 2024
Emeralde O’Donnell, étudiante chercheure, Université Simon Fraser et Andréanne Doyon, professeure adjointe et Directrice du REM Planning Program, Simon Fraser University, Resource and Environmental Management
Introduction
Depuis des décennies, la communauté scientifique tâche de définir ce qui caractérise une collectivité juste et durable (p. ex., Agyeman & Evans, 2003; Hughes & Hoffman, 2020; Schlosberg, 2007; 2013). Pourtant, les termes d’équité et de justice sont employés de manière ambiguë dans la recherche comme dans la pratique de l’urbanisme (Finn & McCormick, 2011; Pearsall & Pierce, 2010; Winkler, 2018). En fait, l’équité est liée à un traitement équitable (p. ex., différents groupes sociaux peuvent tous accéder aux services dont ils ont besoin), tandis que la justice implique la restructuration de systèmes sociétaux injustes (p. ex., la décolonisation des pratiques d’une organisation afin d’améliorer l’accès à ses services). Dans la présente étude, nous jumelons ces deux termes, car ils sont liés et se chevauchent souvent.
Les mots employés pour parler de justice et d’injustice peuvent orienter les actions visant la justice en matière de planification urbaine (Schlosberg, 2007; 2013). En effet, le langage façonne les priorités et les actions qui guident nos plans, lesquels orientent la manière dont nos communautés se développent et fonctionnent (Barrett et al., 2016). Lorsque le langage associé à l’équité et à la justice est vague, il peut faire en sorte de négliger des problèmes systémiques (p. ex., une dynamique de pouvoir inégale dans la prise de décision) et entraver le passage à l’action (Winkler, 2018).
Il a été démontré que les populations marginalisées sont injustement touchées par les changements climatiques (Reckien et al., 2017; Shonkoff et al., 2011) et que, depuis longtemps, les plans d’urbanisme aggravent les inégalités (Adger et al., 2006; Barnett & O’Neil, 2010; Marino & Ribot, 2012; Schlosberg & Collins, 2014; Taylor, 2014). Pour ces raisons, les plans climat et environnementaux doivent plus que jamais intégrer l’équité et la justice. Considérant que le langage associé à l’équité et à la justice peut avoir des répercussions en matière de justice, nos efforts pour construire un avenir meilleur devraient porter à la fois sur ce que nous voulons faire et sur la manière dont nous en parlons. Nous avons exploré le lien entre le langage employé pour parler de l’équité et de la justice et les avancées en matière de justice dans la ville de Vancouver, en Colombie-Britannique, en analysant le contenu de quatre plans environnementaux récents.
État de l’art de la littérature scientifique sur la modalité d’action étudiée
Définir la justice
En matière de justice environnementale et de planification écologique, les études portent souvent sur trois volets : la justice distributive, la justice procédurale et la justice de reconnaissance. Ce cadre à trois volets est utile pour explorer le traitement de la justice dans les plans d’urbanisme. Toutefois, comme il présente des limites dans les contextes coloniaux, nous plaidons en faveur d’une quatrième forme : la justice épistémique.
Rappelons que la justice distributive vise à déterminer si les impacts positifs et négatifs d’un plan, d’une politique ou d’une situation sont répartis équitablement (Bennett et al., 2019; Bulkeley et al., 2014; McCauley & Heffron, 2018; Walker, 2012). Elle sert à répondre à des questions comme : les personnes à faible revenu souffrent-elles de manière disproportionnée des vagues de chaleur, comparativement aux personnes aisées qui bénéficient de l’effet rafraîchissant des arbres de rue?
La justice procédurale examine quant à elle qui participe (et qui ne participe pas) à la prise de décision, les modalités de participation, le pouvoir de participation et les obstacles à la participation (Bulkeley et al., 2014; Walker, 2012). Par exemple, un riche propriétaire d’entreprise a-t-il plus d’influence sur les décisions qu’un père monoparental qui travaille et a du mal à trouver le temps et les moyens d’assister aux séances de consultation?
La troisième forme de justice porte sur la reconnaissance. Elle implique plusieurs notions liées à la reconnaissance de l’injustice systémique et historique (Hughes & Hoffmann, 2020) (p. ex., les répercussions des politiques racistes sur les populations d’hier et d’aujourd’hui) ainsi que la reconnaissance et le respect de divers groupes ayant « des droits, des visions du monde, des connaissances, des besoins, des moyens de subsistance, des histoires et des cultures distincts » (Bennett et al., 2019, p. 4; Schlosberg, 2007; Walker, 2012). Elle s’intéresse notamment aux questions suivantes : les décisions de zonage ont-elles exposé de manière disproportionnée les communautés racisées et à faible revenu aux sites d’enfouissement? La Ville reconnaît-elle et protège-t-elle les lieux importants pour les différentes communautés, tels que les quartiers chinois?
Enfin, la justice épistémique, que nous proposons de considérer, crée un espace qui permet d’intégrer divers points de vue, en reconnaissant les différentes façons « de faire, d’être et d’apprendre », ainsi que la manière dont les systèmes injustes marginalisent les savoirs non dominants (p. ex., en valorisant les données scientifiques au détriment des histoires orales) (Rodriguez, 2017; Temper, 2019). Elle pose entre autres la question : les plans d’urbanisme honorent-ils et intègrent-ils les savoirs autochtones ou locaux? Ainsi, la justice épistémique est particulièrement pertinente dans les contextes coloniaux pour deux raisons : le cadre à trois volets ne tient pas suffisamment compte des valeurs autochtones (Hernandez, 2019) et la domination du savoir occidental contribue à l’oppression continue des peuples autochtones (Temper, 2019).
Équité et justice dans nos villes
Historiquement, les plans d’urbanisme ont créé des injustices en raison d’un manque de consultation de la population sur des questions importantes et en perpétuant des injustices distributives et historiques (p. ex., par le biais de politiques d’aménagement du territoire discriminatoires) (Adger et al., 2006; Barnett & O’Neil, 2010; Marino & Ribot, 2012; Schlosberg & Collins, 2014; Taylor, 2014).
Les recherches menées sur une variété de plans municipaux et locaux publiés il y a plusieurs années (1989-2012) à travers les États-Unis, tels que les plans traitant des questions de climat et de durabilité où il était question des transports en commun et des arbres de rue, révèlent que peu de plans intégraient l’équité ou la justice (Bulkeley et al., 2013; Jabareen, 2014; Portney et al., 2013; Schrock et al., 2015; Warner, 2002). Par ailleurs, dans les plans qui l’ont fait, les actions visant à régler les questions d’équité ou de justice étaient vagues ou inexistantes (Bulkeley et al., 2013; Finn & McCormick, 2011; Jabareen, 2014; Pearsall & Pierce, 2010; Portney et al., 2013; Warner, 2002). Quant aux recherches portant sur les plans canadiens (2008-2012), elles sont limitées mais suggèrent des schémas similaires : les plans n’intégraient pas explicitement l’équité et les actions proposées étaient vagues et limitées (Tozer, 2018).
Les plans les plus récents aux États-Unis mettent l’équité et la justice en valeur et il y en a davantage qui abordent sciemment ces sujets (Hess & McKane, 2021; Schrock et al., 2015). Par exemple, en Californie, le plan d’action d’Oakland (2030 Equitable Climate Action Plan) comporte une « évaluation des impacts des actions climatiques sur l’équité raciale et un guide de mise en œuvre » pour mener à bien les actions du plan (Hess & McKane, 2021). Toutefois, les études portant sur les plans récents aux États-Unis (~2010-2020) font encore état d’un faible engagement en faveur de la justice procédurale et de la justice de reconnaissance (Hess & McKane, 2021; Meerow et al., 2019) et de la nécessité d’améliorer l’équité à l’égard des communautés marginalisées (Hess & McKane, 2021).
Une grande partie de la présente recherche se concentre sur la mesure dans laquelle les plans s’engagent en faveur de la justice (p. ex., Pearsall & Pierce, 2010; Schrock et al., 2015; Warner, 2002;) ou sur la nature des questions de justice sur lesquelles portent les plans (p. ex., Bulkeley et al., 2013; Hess & McKane, 2021). Peu d’études explorent la manière dont les plans abordent la justice, à l’exception de celle de Meerow et ses collègues (2019), qui explore la manière dont l’équité et la résilience sont traitées dans les plans de résilience aux États-Unis.
Cas, méthode et données de la recherche originale
Nous avons analysé le langage et le contenu relatifs à l’équité et à la justice dans les quatre plans environnementaux les plus récents de la Ville de Vancouver (en date de juin 2021). Cette analyse a porté sur le langage utilisé pour définir et aborder l’équité et la justice, ainsi que sur le contenu directement ou indirectement lié à l’équité et à la justice.
Bien que chaque plan ait des objectifs, des auteur·e·s et des processus d’élaboration différents, tous cherchent à orienter les travaux vers une ou plusieurs préoccupations environnementales liées aux changements climatiques, à la biodiversité et à la conservation ou à la durabilité :
- le Climate Emergency Action Plan (ci-après CEAP), publié en 2020, se concentre sur la réduction des émissions à Vancouver;
- la Rain City Strategy (RCS), publiée en 2019, se concentre sur la gestion des eaux de pluie au moyen d’infrastructures vertes;
- la Resilient Vancouver Strategy (RVS), publiée en 2019, vise à préparer Vancouver à gérer les crises et à se remettre des chocs et des facteurs de stress (p. ex., l’élévation du niveau de la mer et l’iniquité économique);
- le plan directeur VanPlay (VP), pour les années 2018 et 2019, est conçu pour guider et améliorer les services des parcs et des loisirs de Vancouver.
Le CEAP, la RCS et la RVS ont été rédigés par la Ville de Vancouver, tandis que le VP a été rédigé par le Vancouver Board of Parks and Recreation, un organisme indépendant qui gère le service des parcs et loisirs de la ville.
Nous avons classé le langage et le contenu en deux catégories, 1) la manière dont l’équité et la justice sont formulées et 2) la manière dont les plans s’engagent à traiter différentes formes de justice. Nous avons recensé neuf catégories reflétant la manière dont les plans définissent et abordent l’équité et la justice. Ces catégories sont présentées à la figure 1, en fonction de leur présence (au moins une mention dans le plan) ou de leur prédominance (plus forte récurrence dans le plan).
Nous avons évalué la mesure dans laquelle les plans s’engagent en faveur de la justice en classant les contenus qui 1) reconnaissent l’injustice ou l’importance d’une question de justice ou 2) abordent une question de justice en l’incorporant dans le plan ou en proposant des actions qui s’y rapportent. Les résultats de cette évaluation sont présentés à la figure 2, où la proportion de contenu reconnaissant chaque forme de justice est représentée en gris clair et la proportion de contenu abordant chaque forme de justice est représentée en gris foncé.
Résultats
Figure 1. Résumé des notions d’équité et de justice (E/J) présentes (gris clair) et prédominantes (gris foncé) dans chaque plan. L’E/J définie en termes génériques ou vagues indique la mention d’équité ou de justice sans que les termes soient définis directement ou indirectement; l’E/J en tant que sous-thème indique que l’équité ou la justice est mentionnée uniquement comme un avantage supplémentaire qui résulterait automatiquement d’actions qui ne sont pas liées à l’équité ou à la justice; l’E/J et la répartition des bénéfices fait état des discussions sur la répartition de l’accès, des avantages et des retombées; l’E/J et la répartition des responsabilités recense les discussions sur les charges et les coûts injustes liés aux actions proposées (p. ex., qui doit se charger des coûts de l’adoption des véhicules électriques); l’E/J en tant que piste d’action prévue ou possible fait référence à des discussions vagues sur l’équité ou la justice qui n’incluent que l’intention ou la possibilité d’entreprendre des actions (p. ex., « il y a encore à faire »); l’E/J en tant qu’outil d’inclusion indique des discussions sur la diversité, l’inclusion, la participation, le renforcement des capacités et les obstacles; l’E/J en tant que clé du bien-être fait référence à des discussions sur l’équité ou la justice liées au bien-être, à la santé et à la qualité de vie; l’E/J et l’injustice systémique concerne des discussions sur la réconciliation, les systèmes d’oppression et l’injustice historique.
Source: Emeralde O’Donnell & Andréanne Doyon, 2023
Figure 2. Proportion dans laquelle le contenu des plans reconnaît (couleur claire) ou aborde (couleur foncée) chacune des quatre formes de justice (de gauche à droite : distributive, procédurale, de reconnaissance et épistémique). La représentation des plans qui reconnaissent la justice distributive, la justice de reconnaissance et la justice épistémique englobe les plans dans lesquels les notions associées à ces formes de justice sont qualifiées d’importantes ou mises de l’avant. La représentation des plans qui reconnaissent la justice procédurale reflète les plans qui indiquent que des séances de consultation publique ont été menées, qui qualifient d’importante la consultation publique ou la consultation de groupes marginalisés, ou encore qui reconnaissent l’injustice procédurale. La représentation des plans qui abordent la justice distributive, la justice de reconnaissance et la justice épistémique englobe les plans faisant état d’actions qui traitent des injustices liées à ces formes de justice ou de plans d’action explicites qui traiteront ces injustices après leur mise en œuvre. Enfin, étant donné que la consultation publique est désormais une pratique courante, la représentation des plans qui abordent la justice procédurale désigne seulement les plans indiquant que des consultations ont été tenues auprès des groupes marginalisés en particulier ou que les recommandations de ces groupes après consultation ont été mises en œuvre.
Source: Emeralde O’Donnell & Andréanne Doyon, 2023
Analyse des plans
Lorsqu’il est question d’équité et de justice, les plans utilisent principalement le terme « équité ». Nos analyses reflètent cet état de fait. Dans l’ensemble, les plans qui ont une vision claire et nuancée de l’équité et de la justice proposent des approches diversifiées et concrètes. Comme le montre la figure 2, le CEAP et la RCS se concentrent sur la justice distributive et procédurale. Dans le CEAP, l’équité est en grande partie indéfinie mais se concentre sur la distribution des bénéfices (avantages), des nuisances (impacts négatifs) et des responsabilités (à qui revient la responsabilité de prendre des mesures). Les actions proposées portent surtout sur la distribution, ignorant parfois d’autres problèmes éventuels. Par exemple, le CEAP vise à rendre les transports en commun universellement accessibles et reconnaît les problèmes de sécurité qui en découlent, mais il propose seulement d’améliorer l’abordabilité et l’accès, en mettant en équation la sécurité et l’augmentation du nombre de circuits et de la fréquence des passages. Le CEAP ne semble pas prendre en compte les autres raisons pour lesquelles les usagers et les usagères peuvent se sentir en danger, telles que les injustices systémiques comme le racisme ou la violence sexuelle.
La RCS comporte un glossaire où sont définis les concepts d’équité et de justice. Cependant, la stratégie elle-même traite principalement de l’équité en termes génériques, se concentre sur la répartition des bénéfices et présente l’équité comme un élément qui en découle automatiquement. Plutôt que de se pencher sur une mise en œuvre équitable de la stratégie, la RCS se présente comme un « outil essentiel » permettant d’obtenir de vagues résultats en matière d’équité. Les actions proposées visent souvent l’amélioration du bien-être global plutôt que l’équité (p. ex., des programmes de formation générale plutôt que des programmes de formation s’adressant aux groupes marginalisés).
Le CEAP et la RCS ne reconnaissent que brièvement l’injustice systémique. Le CEAP reconnaît les politiques historiquement discriminatoires et soulève les répercussions disproportionnées sur les communautés racisées et à faible revenu, tandis que la RCS nomme les inégalités systémiques liées aux personnes aux identités croisées (p. ex., genre, race, capacités physiques).
La RVS démontre une meilleure compréhension de l’injustice systémique, mais se concentre sur la justice procédurale, en présentant l’équité comme un résultat garanti de la participation citoyenne. Le plan se concentre sur l’amélioration de l’équité par l’intégration des personnes qui ont jusqu’ici été exclues, plutôt qu’en proposant des actions qui s’attaquent aux injustices ou aux inégalités. La RVS reconnaît l’existence des systèmes d’oppression, tels que le racisme, et propose des actions pour des groupes spécifiques dans une recherche d’équité (p. ex., inviter les personnes nouvellement arrivées au pays à participer à la prise de décision). Cependant, elle identifie rarement les obstacles qui empêchent les groupes marginalisés de participer.
Figure 3 – Graphique tiré de la RVS qui reconnaît les interactions possibles entre les divers aspects de l’expérience et de l’identité d’une personne et les « systèmes sociaux et institutionnels », menant à des vécus uniques (Ville de Vancouver, 2019, p. 34). Par exemple, une femme cisgenre hétérosexuelle ayant un handicap aura un vécu différent de celui d’une personne queer et non binaire n’ayant pas de handicap. En reconnaissant cette diversité de vécus, les plans peuvent mieux déterminer les effets des iniquités distributives et des injustices systémiques sur différentes personnes et créer un espace où les divers vécus éclaireront les travaux de planification.
Source: City of Vancouver, 2019
Figure 4. Dans sa section sur l’équité, le VP présente un graphique qui illustre plusieurs formes d’injustices systémiques ainsi que les identités que ces injustices privilégient ou oppriment (Rapport 3, p. 38). Par exemple, il reconnaît que le système raciste opprime les peuples autochtones et les personnes de couleur tout en privilégiant les personnes blanches.
Source: Vancouver Board of Parks & Recreation, 2019a
Tous les plans reconnaissent les savoirs autochtones et locaux, mais les intègrent rarement. Le plus souvent, ces connaissances sont abordées sous l’angle des avantages que le plan peut apporter ou du fait que les auteur·e·s du plan ont encore à apprendre. Le VP est le plan qui aborde le plus la justice épistémique, notamment en prévoyant de faire une place aux voix autochtones et aux « groupes en quête d’équité » pour qu’ils participent à l’interprétation des données. Cependant, il n’intègre pas les différentes façons d’apprendre, à l’exception d’une brève discussion sur les concepts autochtones de bien-être.
Les plans mettant l’accent sur la justice procédurale et distributive et sur les limites de la justice de reconnaissance font écho aux conclusions d’autres recherches (p. ex., Bulkeley et al., 2013; Meerow, Pajouhesh & Miller, 2019; Pearsall & Pierce, 2010). À la lumière de ces résultats, nous avons identifié des limites contextuelles possibles aux actions en matière d’équité et de justice prévues dans les plans.
L’importance de considérer les tenants et aboutissants de chaque plan
Comme chaque plan poursuit des objectifs différents, chacun aborde l’équité et la justice de manière différente. Par exemple, le CEAP est axé sur la réduction des émissions et doit donc mettre davantage l’accent sur la répartition des responsabilités que le VP, qui se concentre sur la fourniture de services. Bien que le CEAP ait l’approche la moins équilibrée en matière de justice, il présente un ratio plus élevé entre ce qui est abordé et ce qui est reconnu.
Par ailleurs, il est à noter que les quatre plans ont été élaborés différemment. Par exemple, la RCS s’appuie sur un plan précédent, ce qui peut avoir compliqué l’intégration de nouvelles actions visant l’équité et la justice; le CEAP a été élaboré en un an, ce qui peut avoir empêché les responsables de la Ville de mener des recherches approfondies en matière d’équité et de justice avant de rédiger le plan. Les plans dont l’engagement envers la justice est le plus holistique, soit la RVS et le VP, sont tous deux des plans autonomes dont l’élaboration a duré plus longtemps. De plus, le VP s’est appuyé sur des travaux préalables en matière d’équité et de justice, ce qui n’était pas le cas des autres plans. Cependant, même le VP présente des écarts entre la manière dont l’équité est définie et la nature des questions d’équité et de justice qui sont abordées. Cela témoigne de limites plus importantes (p. ex., le contexte social, les connaissances limitées, les objectifs de la Ville de Vancouver).
Des chercheurs et des chercheuses ont exprimé la crainte que l’accent mis sur la justice distributive ne détourne l’attention des problèmes systémiques (Bulkeley et al., 2013; Hess & McKane, 2021; Hughes & Hoffmann, 2020; Meerow et al., 2019; Schrock et al., 2015). Nous avons constaté des lacunes similaires dans notre analyse et sommes d’avis que les plans devraient aborder de manière significative toutes les formes de justice. Cependant, il est difficile de déterminer à quel point un plan est limité, et pour quelles raisons, sans tenir compte des facteurs uniques qui l’influencent. À ce sujet, Winkler (2018, p. 82) affirme que nous devons examiner ce qu’une décision de planification signifie dans un contexte particulier avant de décider si elle est « bonne ». Par exemple, différents objectifs de planification pourraient naturellement mettre l’accent sur certaines formes de justice plutôt que d’autres.
Les recherches actuelles se penchent sur la nature des questions de justice que les plans abordent et dans quelle mesure ils le font, en plus d’examiner les tendances de plusieurs plans couvrant de vastes zones géographiques (p. ex., Bulkeley et al., 2013; Fitzgibbons & Mitchell, 2019; Hess & McKane, 2021; Olazabal & Ruiz De Gopegui, 2021; Pearsall & Pierce, 2010; Schrock et al., 2015). Bien que de nombreuses recherches comparent des plans ayant des objectifs similaires, chaque problème de planification dans chaque ville sera assorti de besoins différents en matière de justice.
Schrock et ses collègues (2015) démontrent la valeur d’un champ d’application restreint au moyen d’études de cas. En examinant des plans d’action de plus près, les auteurs ont identifié des facteurs contextuels clés qui limitent les actions en matière d’équité et de justice. Si nous procédons à la même étude dans une seule ville, nous serons mieux à même d’analyser ce qui influence et limite un plan dans cette ville.
L’intégration de la justice épistémique dans la recherche pourrait être un moyen de mieux tenir compte du contexte. En effet, traiter de la justice épistémique exige de comprendre les besoins, les valeurs et les visions du monde propres aux personnes et aux lieux sur lesquels porte un plan d’action. Le fait de créer un espace pour analyser la justice à travers le prisme de la communauté peut apporter plus de nuances que de s’en tenir à une description générique et hypothétique de la justice.
Conclusion
Des études de grande portée ont mis en évidence que nombre de plans n’arrivaient pas à intégrer l’équité et la justice. Maintenant que des plans déploient des efforts plus concrets pour atteindre ces objectifs, nous soutenons que les recherches devraient avoir des portées plus étroites. À la lumière dont certains plans abordent les questions d’équité et de justice dans des contextes particuliers, par exemple en analysant le langage employé dans ces plans, nous sommes à même d’examiner les facteurs particuliers qui sont susceptibles de limiter les plans.
Les façons dont nous parlons de la justice influencent la manière dont nous exerçons, comprenons et « exigeons [la justice] dans la pratique » (Schlosberg, 2013). S’il est peu probable que les définitions de l’équité et de la justice déterminent à elles seules les résultats des plans étudiés en matière de justice, elles reflètent probablement la manière dont l’équité et la justice sont discutées et comprises au cours de l’élaboration de chaque plan.
Parmi les plans analysés, les plus engagés en faveur de la justice s’appuyaient sur une compréhension précise et réfléchie des concepts d’équité et de justice et cette compréhension semblait nourrir le plan dès le début de son élaboration. Pour les responsables de la planification, ce constat révèle la nécessité d’intégrer sciemment des idées nuancées sur l’équité et la justice dès le début de la rédaction des plans.
Bien que notre étude n’ait pas porté sur la participation citoyenne, elle souligne l’importance de mener une réflexion approfondie sur la manière dont nous, en tant que citoyens et citoyennes, nommons et comprenons les questions d’équité et de justice propres à nos villes. En tant que membres de la société, nous pourrions réfléchir à la manière dont nous défendons l’équité et la justice : en faisant preuve de précision et de volonté dans nos appels au changement, nous pourrions favoriser la définition de priorités significatives pour créer des villes à la fois durables et justes.
Pour citer cet article
O’Donnell, E., et Doyon, A. (2024). Examen des considérations en matière d’équité et de justice dans les plans environnementaux de Vancouver. Dans Répertoire de recherche Villes, climat et inégalités. VRM – Villes Régions Monde. https://www.vrm.ca/examen-des-considerations-en-matiere-dequite-et-de-justice-dans-les-plans-environnementaux-de-vancouver
Texte source
Bibliographie
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