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Impacts économiques des écrans antibruit : une analyse à partir de transactions résidentielles unifamiliales dans le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal

 

Mars 2021

Par Yves-Bryand Yao, diplômé à la maîtrise en aménagement et développement du territoire à l’Université Laval

Contexte de la recherche

D’un point de vue économique, le développement d’infrastructures de transport offre plusieurs avantages. Cependant, cela engendre aussi des conséquences négatives, souvent désignées par le terme « externalités », pour les individus vivant à proximité. À titre d’exemple, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ, 2016) suggère que la pollution sonore génère des coûts annuels d’environ 679 M$.

 La construction d’écrans antibruit le long de certains tronçons autoroutiers s’avère une solution afin de réduire la pollution sonore engendrée par la circulation routière. Le ministère des Transports du Québec (MTQ) estime le coût de ces mesures d’atténuation sonore à plusieurs milliers de dollars par kilomètre. Si les coûts de construction de ces écrans antibruit sont bien connus, leurs impacts économiques, en revanche, sont moins bien documentés. Une façon de mesurer les bénéfices possibles de ces infrastructures consiste à en estimer la valeur implicite à l’aide du marché immobilier.

 À ce jour, cinq études se sont attardées à mesurer l’effet des écrans antibruit sur les valeurs immobilières. De ce nombre, deux concluent à un impact nul (Kamerud & Von Buseck, 1985; Hall & Welland, 1987), deux autres suggèrent un impact positif, variant entre 11% et 14% (Wilhelmson, 2005; Naakeeto et coll., 2017), alors qu’une autre, menée à Laval, a conclu à un impact négatif de 11% (Julien & Lanoie, 2007).

 Cette étude propose une nouvelle approche méthodologique afin d’évaluer les impacts économiques des écrans antibruit. L’objectif principal est d’estimer, à l’aide de transactions résidentielles unifamiliales, la prime monétaire associée à une protection par la présence d’écrans antibruit. Cette approche permet ainsi d’évaluer l’impact de ces politiques d’aménagement sur les valeurs résidentielles.

Méthodologie

L’étude met l’accent sur l’impact des écrans antibruit sur les transactions de résidences unifamiliales comprises dans le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) entre 2000 et 2017. Afin de tester la robustesse de la méthodologie, certains secteurs retenus ne possèdent pas d’écrans antibruit, mais il existe, dans ces secteurs, une intention d’en construire. Puisque le nombre de transactions à proximité des autoroutes est faible, seulement cinq (5) secteurs peuvent être analysés parmi les seize (16) préalablement identifiés (figure 1).

La méthodologie de recherche consiste essentiellement à comparer les valeurs des résidences similaires entre les différentes zones de nuisances potentielles (figure 2). Une première zone qui bénéfice de la protection d’un écran antibruit est divisée en deux sous zones : i) la zone A, située à proximité de l’autoroute et plus fortement exposée aux nuisances sonores en l’absence de la mesure d’atténuation sonore (niveau de 65 dB(A) et plus); et ii) la zone B, située un peu plus loin et moins exposée aux nuisances sonores (entre 55 dB(A) et 64 dB(A)). Une seconde zone sert de comparable et ne bénéficie pas de la présence de barrière antibruit. Elle subit donc les nuisances réelles sans faire l’objet de protection. Cette seconde zone est également divisée en deux sous zones : i) la zone C, située à proximité de l’autoroute et directement exposée aux nuisances sonores (65 dB(A) et plus); et ii) la zone D, située en retrait et moins exposée aux nuisances (entre 55 dB(A) et 64 dB(A)).

En supposant que la nuisance sonore du réseau routier impacte les valeurs immobilières, en l’absence d’écran antibruit, il devrait exister un écart de prix similaire entre les zones A–B et C-D sans la présence de mesures d’atténuation sonore. L’introduction de l’écran antibruit devrait réduire l’écart de prix entre les zones A et B, étant donné la réduction de nuisance. En supposant que l’écran réduise le bruit, l’écart de prix entre A et B devrait être plus faible que celui entre les zones C et D. La méthodologie consiste essentiellement à évaluer cette différence dans les écarts de prix générée par l’introduction de l’écran antibruit pour en estimer l’impact sur les valeurs immobilières.

Cette approche méthodologique novatrice est testée grâce à l’analyse placebo réalisée sur les secteurs sans écrans antibruit.

Résultats

Les résultats (Tableau 1) suggèrent que l’impact des écrans antibruit est statistiquement significatif pour deux secteurs situés sur l’île de Montréal : Dorval et Anjou. La prime moyenne est estimée, respectivement, à 25 000$ et 22 000$. Les analyses pour les autres secteurs hors de l’île de Montréal ne montrent pas d’effets statistiquement significatifs. Autrement dit, pour ces secteurs, les bénéfices liés à la diminution du niveau sonore sont largement compensés par les possibles impacts négatifs liés à la présence des écrans antibruit, tels que la pollution visuelle découlant de ces mesures d’atténuation et la diminution possible des heures d’ensoleillement. L’analyse sur l’un des secteurs placebo possédant suffisamment de transactions pour être analysé, soit le secteur de Repentigny, suggère que la méthodologie développée est robuste.

En terminant, l’analyse de l’impact économique des écrans antibruit montre qu’il est difficile de généraliser les effets, et ce, même au sein d’une région métropolitaine. Cette conclusion suggère qu’une politique optimale visant à atténuer l’effet du bruit devrait tenir compte des particularités locales (circulation routière, perception, caractéristiques des mesures d’atténuation sonore) afin de prendre en compte adéquatement les avantages et les inconvénients rattachés à l’aménagement de ces infrastructures.

Tableau 1 :

Sous-marchés

Impacts estimés

Sign.

1

Candiac

13 060 $

2

Dorval

25 416 $

***

3

Brossard

-2 731 $

8

Anjou

22 192 $

**

16

Repentigny

-8 796 $

Légende: *** p < 0.01; ** p < 0.05; * p < 0.1

Note: Toutes les différences sont exprimées en valeur réelle ($2000M1)

 

Cette recherche a été effectuée sous la direction de Jean Dubé (Université Laval), François Des Rosiers (Université Laval) et de Mathieu Carrier (MTQ/INRS-UCS). Cette recherche a bénéficié d’un financement du ministère des Transports du Québec et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.