Profil Pro – Rencontre avec François Vanier – Conseiller en développement immobilier chez Cominar

Octobre 2024

Entretien effectué par Salomé Vallette, coordonnatrice de Villes Régions Monde
Transcription faite par Nathan Mascaro, étudiant au doctorat en études urbaines à l’INRS

Pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire et professionnel, quelles sont les étapes qui ont permis d’œuvrer chez Cominar?

J’ai eu un parcours peu conventionnel. J’ai fait un baccalauréat et une maîtrise en philosophie. Je me suis ensuite réorienté en traduction grâce à un DESS, où j’ai pratiqué la terminologie pendant cinq ans, pour finalement me rendre compte que je ne souhaitais pas en faire une carrière. Je n’étais pas certain de ce que je voulais, alors j’ai pris le temps d’y réfléchir pendant un an. J’ai réalisé que « l’urbain », plus spécifiquement la géographie et l’aménagement du territoire, m’intéressait beaucoup.

Je voulais faire une formation plus pratique que théorique. C’est pourquoi j’ai choisi la maîtrise en urbanisme à l’Université de Montréal. C’était vraiment un changement de carrière. Un intérêt s’est particulièrement développé pendant ces deux ans de maîtrise à l’égard de la transformation des centres commerciaux en lien avec les transports collectifs dans la région de Montréal. Dans le cadre de mon mémoire, j’ai démontré que la plupart des projets de transformation considérés se faisaient en relation avec l’arrivée d’une future station du REM et du prolongement de la ligne bleue du métro.

Une partie de ma méthodologie consistait à interroger des personnes du privé et du public impliquées ou concernées par des projets de transformation de centres commerciaux. J’ai donc parlé à des personnes travaillant dans les services d’urbanisme des municipalités, en immobilier et en gestion commerciale. Et c’est ainsi que j’ai rencontré mon futur employeur. J’ai parlé à une personne de l’équipe de développement chez Cominar en soulignant mon intérêt pour le domaine. Nos échanges autour d’un intérêt commun ont évolué vers la création d’un poste. J’y ai fait un stage qui s’est ensuite converti en poste permanent. Depuis maintenant trois ans, je travaille comme conseiller en développement immobilier au sein de Cominar, une société de gestion immobilière qui se concentre principalement sur les centres commerciaux, dont la plupart sont situés dans le Grand Montréal.

Quels sont les aspects que vous aimez le plus de votre travail ? Est-ce que vous rencontrez certaines limites?

J’apprécie particulièrement analyser les différentes propriétés du portefeuille immobilier de l’entreprise et réfléchir à leur optimisation. Il est intéressant et stimulant d’analyser si un centre commercial doit être transformé et de quelle façon il pourrait mieux servir les usagers. Je travaille au sein d’une petite équipe de développement agile et j’apprends beaucoup de l’expérience variée de mes collègues.

Dans la majorité des cas, Cominar possède des sites favorables à la construction de logements, considérant la forte demande en habitation et l’opportunité de créer des quartiers à usage mixte. Les sites de Cominar sont idéalement situés près de stations de métro, du REM ou au cœur des futurs centres-villes de banlieue. Ces sites offrent un fort potentiel pour le redéveloppement de nos propriétés commerciales.

Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est d’envisager différents scénarios impliquant nos collaborateur·rice·s, tant à l’interne qu’à l’externe. J’ai une vision plus « urbanistique », mais elle constitue une composante parmi d’autres dans un ensemble bien plus complexe. Nous travaillons, par exemple, avec des architectes, des ingénieur·e·s (notamment en mobilité), des spécialistes du commerce de détail et de l’exploitation, ainsi que d’autres expert·e·s aux compétences variées. Cette multidisciplinarité est un aspect qui me plaît beaucoup.

Je prends pleinement conscience des nombreuses contraintes avec lesquelles un projet immobilier doit composer, des aspects que l’on ne fait souvent qu’effleurer à la maîtrise.

Un autre point que j’apprécie particulièrement est de travailler sur plusieurs actifs situés dans des contextes variés. À chaque fois, il s’agit de comprendre la propriété, le site et son environnement. Il y a toujours de nombreux éléments à considérer. J’apprécie également la diversité des tâches et des mandats qui me sont confiés. Je pense que l’avenir est très prometteur pour les personnes qui choisiront d’étudier en urbanisme ou dans un domaine connexe.

Lorsqu’on entre sur le marché du travail après les études, il y a beaucoup à apprendre, notamment en matière de réglementation, ce qui est d’autant plus vrai lorsqu’on travaille avec différentes municipalités. Il existe une multitude de documents de planification et de réglementation et il n’est pas toujours évident de s’y retrouver. Bien que j’aie suivi un cours à ce sujet à la maîtrise, rien ne vaut l’expérience concrète du quotidien. La maîtrise offre un bon aperçu des principales dimensions de l’urbain, mais c’est sur le terrain que l’apprentissage devient vraiment concret.

Comment faites-vous pour demeurer au fait des actualités dans votre domaine et comment imaginez-vous votre secteur dans les prochaines années?

Dans le cadre de mon rôle et de mes responsabilités, je suis, par exemple, appelé à consulter des règlements d’urbanisme, des grilles de zonage, des programmes particuliers d’urbanisme et à faire des recherches sur les politiques municipales en matière de logement. Nous avons également des consultants qui nous aident sur certaines initiatives de refonte règlementaire majeure, comme le projet de Plan d’urbanisme et de mobilité (PUM) à Montréal, afin de mieux comprendre les grandes orientations et leurs effets sur nos propriétés.

Je participe à plusieurs événements et initiatives en immobilier ou en urbanisme. Ces occasions permettent de mieux comprendre le contexte dans lequel nous opérons, notamment en lien avec nos projets de développement. Mon employeur facilite également l’accès à différentes conférences et formations.

Pour le deuxième volet de la question, un des éléments qui affecte déjà le milieu de l’urbanisme et qui est susceptible de l’affecter encore plus dans les prochaines années est le développement durable. Cette dimension prend une place croissante dans la planification des villes, notamment en lien avec l’environnement, la mobilité et la forme urbaine. Tous ces éléments convergent vers une vision axée sur la densification et la mixité, soit le « Nouvel urbanisme », qui est en quelque sorte l’incarnation territoriale du développement durable.

Un autre enjeu majeur est celui du logement, qui est plus complexe. Les municipalités adoptent différentes stratégies pour améliorer l’offre de logements et leur abordabilité. Elles sont de plus en plus concernées par ces réalités, même si ce n’est pas toujours évident en raison de facteurs économiques comme la pénurie de main-d’œuvre, le coût des matériaux et les autres services et équipements qu’elles doivent offrir à leurs résidents.

Il y a également une évolution vers des critères qualitatifs et discrétionnaires dans l’évaluation des projets immobiliers. Cette approche donne une grande marge de manœuvre aux municipalités et aux services d’urbanisme dans leur prise de décision. Je pense que cela change la donne par rapport à une approche plus normative, qui était jusqu’alors plus prévisible pour les développeurs.

Enfin, en ce qui concerne l’évolution du secteur et, plus généralement, de la profession, il existe une grande diversité de possibilités pour quelqu’un ayant étudié en urbanisme. Une personne titulaire d’une maîtrise en urbanisme peut travailler en transport, dans le secteur public ou privé, en développement immobilier, en développement durable, en environnement, etc. La formation est très interdisciplinaire et fait de l’urbaniste davantage un généraliste qu’un spécialiste.