Villes, climat et inégalités
Soutenir l’action climatique et l’autodétermination autochtone : exploration d’un espace éthique pour l’aménagement du territoire dans la région du Haut-Columbia en Colombie-Britannique
Mars 2024
Moe Nadeau, Resource and Environmental Management, Simon Fraser University
Introduction
Selon l’Institut canadien des urbanistes (ICU), le rôle de l’urbaniste est de « pratiquer [sa profession] de manière à respecter la diversité, les besoins, les valeurs et les aspirations du public » (ICU, 2016). Les urbanistes mettent en œuvre des lois et des plans qui transforment les comportements des personnes et leur lien avec l’environnement (Baum, 2015). L’urbanisme fournit un cadre pour la mise en œuvre de stratégies et de politiques de lutte contre le changement climatique. En particulier, l’aménagement du territoire peut soutenir l’action climatique au moyen de stratégies d’atténuation et d’adaptation concernant les ressources naturelles et les terres. Si au Canada, l’aménagement du territoire a été instrumentalisé pour contrôler et déposséder les peuples autochtones (Porter et Barry, 2016), ceux-ci se réapproprient aujourd’hui cette pratique, qui existe depuis des temps immémoriaux, afin de se tailler un espace théorique et pratique (Harjo, cité dans Zapata et Bates, 2021; Jojola, 2008). Les voix autochtones sont également essentielles pour soutenir l’atteinte des objectifs climatiques. En effet, les communautés autochtones ont une connaissance approfondie de la terre et reconnaissent la nécessité d’agir dans le respect de celle-ci. En outre, comme les peuples autochtones ont tendance à subir de façon disproportionnée les impacts du changement climatique, leurs points de vue sont essentiels pour assurer que la justice et la résilience font partie intégrante de l’action climatique (Wale, 2023, p. 5).
Ce contexte amène les urbanistes à réfléchir à la manière dont leur travail a porté préjudice aux populations autochtones. L’ICU a d’ailleurs adopté une politique sur la pratique de l’urbanisme et la réconciliation (ICU, 2019). Pourtant, le domaine de l’urbanisme manque de cadres bien définis pour intégrer efficacement la prise de décision éthique dans la politique et la pratique de l’aménagement du territoire. Pour combler cette lacune, un concept appelé « Espace Éthique » a été développé pour équilibrer le pouvoir entre les peuples autochtones et non autochtones. Dans cette étude, j’examine comment l’Espace Éthique pourrait être adopté en urbanisme au moyen d’un projet expérimental dans la région du Haut-Columbia en Colombie-Britannique, une zone où les besoins en matière d’aménagement caractérisé sont particulièrement criants. Cette région est composée de quatre gouvernements autochtones et de quatorze gouvernements non autochtones, couvrant un large éventail de démographies, d’intérêts et de défis. En intégrant l’Espace Éthique à l’aménagement du territoire, les urbanistes peuvent favoriser un avenir plus éthique et plus résilient au changement climatique.
État de la littérature scientifique
Aménagement autochtone
L’aménagement autochtone est un processus par lequel les peuples autochtones récupèrent leurs droits historiques, culturels et politiques dans la prise de décisions relatives à l’utilisation du territoire. Comme le décrivent Walker et ses collègues (2013), l’aménagement autochtone est ancré dans trois traditions : la tradition classique (avant le contact européen), la résistance (du contact à la fin des années 1970) et la résurgence (des années 1980 à aujourd’hui). La tradition classique s’inspire des visions autochtones du monde et de l’aménagement fondé sur les liens de parenté. La tradition de la résistance implique un aménagement du territoire réalisé en secret en raison de la dépossession des peuples autochtones par les gouvernements dominants[1]. Enfin, la tradition de la résurgence, qui s’inscrit dans le cadre d’une résurgence des mouvements de défense des droits des Autochtones, plaide en faveur de la considération de la culture et de l’identité autochtones dans le processus décisionnel.
Dans l’aménagement autochtone, la spiritualité, l’observation de la Terre et les relations durables guident la prise de décision (Harjo, cité dans Zapata et Bates, 2021; Porter et al., 2017; Prusak et al., 2015). Il met l’accent sur les interactions entre l’être humain et la terre, la réciprocité et la confiance (Berkes et al., 2007; Lane, 2006). Dans une approche holistique, la Terre et ses habitant·e·s sont considérés comme un système collectif. L’aménagement autochtone permet aux communautés autochtones de réaffirmer leur culture et leurs processus politiques afin de faire valoir leurs droits à l’égard de la terre. L’approche autochtone de l’aménagement est considérée comme une stratégie politique qui exige un engagement en faveur du changement. Au Canada, la gouvernance dominante donne la priorité à la loi dominante, au mépris des valeurs autochtones. Les urbanistes non autochtones doivent à présent adopter de nouvelles pratiques qui respectent la souveraineté autochtone et favorisent des processus décisionnels équitables.
Coexistence
La coexistence vise à recadrer les relations entre les structures de gouvernance autochtones et dominantes afin de faciliter la prise de décision éthique. Porter et Barry (2016) soutiennent que l’aménagement axé sur la coexistence nécessite « une approche relationnelle et décolonisante de l’aménagement du territoire où les peuples autochtones autodéterminés invitent les États colonisateurs à discuter d’aménagement selon leurs propres conditions » (p. 16). La coexistence soutient les droits, les titres et les aspirations culturelles des Autochtones parallèlement aux cadres coloniaux (Howitt et Lunkapis, 2010; Porter et Barry, 2016). En outre, la coexistence reconnaît les diverses relations des peuples avec le lieu, ce qui favorise « une prise de décision juste, équitable et durable dans les systèmes d’aménagement du territoire » (Howitt et Lunkapis, 2010, p. 109).
Les pratiques d’aménagement dominantes modernes et issues du colonialisme ont contrôlé, déplacé et effacé les peuples autochtones et leurs liens avec le lieu (Howitt et Lunkapis, 2010). Pour redistribuer le pouvoir au sein des structures de gouvernance autochtones et dominantes, Porter et Barry (2016) suggèrent d’établir des mécanismes de gouvernance collaborative qui acceptent et valorisent de manière égale les diverses compétences. Ce processus, connu sous le nom de pluralisme, accueille les divergences d’opinions et accepte de multiples organes de gouvernance en vue d’encourager des pratiques qui vont au-delà d’une simple intention d’inclusion ou d’une stricte observation des réglementations. Dans la coexistence, les pratiques d’aménagement autochtones sont distinctes des pratiques dominantes mais égales à celles-ci. La coexistence présente une vision globale de l’aménagement qui permet aux valeurs autochtones et dominantes de coexister. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour élaborer un cadre pratique mettant concrètement en œuvre la coexistence.
Espace éthique
L’Espace Éthique propose justement un cadre pratique pour la mise en œuvre de la coexistence. C’est Willie Ermine, aîné cri de la Première Nation de Sturgeon Lake et professeur adjoint à l’Université des Premières Nations du Canada, qui a officiellement introduit le concept d’Espace Éthique en 2007. Ermine (2007, p. 193) qualifie l’Espace Éthique d’espace « formé lorsque deux sociétés, ayant des visions du monde disparates, s’engagent à travailler de concert ». Partant du principe que tous les systèmes de connaissances sont distincts et égaux, l’Espace Éthique encourage une collaboration et une prise de décision éthiques.
Plutôt que d’assimiler les systèmes de connaissances autochtones et dominants, l’Espace Éthique soutient simultanément tous les systèmes et toutes les approches. Pour y parvenir, toutes les parties doivent être disposées à développer une compréhension approfondie des savoirs, des lois, de la culture et des pratiques de chacune (Littlechild et Sutherland, 2021). Grâce à un dialogue continu, les parties édifient des structures décisionnelles innovantes et respectueuses (Bannister, 2018). L’Espace Éthique valorise les interactions entre structures de gouvernance qui respectent tous les systèmes de connaissances et empêchent une partie d’interférer, de prendre le dessus ou de diminuer l’autre (Alberta Energy Regulator, 2017; Ermine, 2007). Grâce à l’Espace Éthique, aucun système n’a plus de légitimité que l’autre. Il sert d’intermédiaire entre les systèmes de connaissances en entretenant la confiance mutuelle, le respect et la bienveillance (Ermine, 2007; ICE, 2018).
L’Espace Éthique n’est pas un outil à valeur prescriptive et son but n’est pas de se substituer aux obligations de consultation et d’accommodement (ICE, 2018). Toutes les parties doivent donner leur consentement après avoir été bien informées du processus, avoir la possibilité de s’y préparer et tenir « des rôles égaux dans la définition de la structure et du cadre de l’espace dans lequel [elles] évolueront ensemble » (Littlechild et Sutherland, 2021).
Figure 1. Le cadre de l’Espace Éthique. Image adaptée du concept de Gwen Bridge par Hayley McIntyre.
Source: Hayley McIntyre, 2023
Cas, méthode et données de la recherche originale
Cette recherche a été menée sur les terres des Syilx, des Secwépemc, des Sinixt et des Ktunaxa (figure 2). Bien que la délimitation du Haut-Columbia soit reconnue localement, elle n’est pas reconnue officiellement par les gouvernements. Cette région est de plus en plus préoccupante en raison de l’augmentation de l’activité humaine et des pressions climatiques croissantes sur les écosystèmes (Mitchell et Bullen, 2020; Utzig, 2016 a, 2016b). Importante voie de transport des biens et services, la région se trouve également au cœur des négociations du Traité du fleuve Columbia, qui ont historiquement exclu les voix autochtones. Pour toutes ces raisons, cette région mérite que l’on s’y intéresse.
Figure 2. La région du Haut-Columbia en Colombie-Britannique (zone d’étude de cas et carte fournies par la Yellowstone to Yukon Conservation Initiative).
Table 1. Gouvernements de la région du Haut-Columbia
La collecte de données secondaires a consisté en une analyse documentaire. Les projets d’espaces éthiques du groupe I ont été examinés afin d’en dégager les méthodes de mise en œuvre ou la manière dont les projets contribuent à une prise de décision éthique. Pour le groupe II, l’examen a porté sur une combinaison de documents gouvernementaux et de sites web. Les documents ont été sélectionnés à l’issue des entretiens et de recherches sur Internet. L’analyse des données avait pour but d’évaluer la possible adoption d’un Espace Éthique dans la région du Haut-Columbia.
Résultats
Grâce à cette recherche, nous avons appris à connaître les relations gouvernementales dans la région du Haut-Columbia et nous avons établi des recommandations pour la mise en application de l’Espace Éthique. Bien que chaque Espace Éthique soit différent, cette discussion présente des possibilités d’adopter des espaces éthiques dans d’autres communautés.
Les gouvernements autochtones et dominants entretiennent des relations plus ou moins étroites. Généralement, les relations entre les communautés autochtones et les provinces s’appuient sur des accords écrits conclus entre gouvernements. Par exemple, les relations entre les Ktunaxas et la Colombie-Britannique sont guidées par cinq accords concernant le partage des revenus forestiers, la gestion des incendies de forêt, la lutte contre le dendroctone du pin ponderosa, le développement économique et communautaire, l’action climatique et l’engagement stratégique (Gouvernement de la Colombie-Britannique, 2022). Par ailleurs, de nombreux documents du gouvernement provincial ne sont consultables qu’à l’interne et ne sont rendus publics qu’en cas de besoin. Qui plus est, parmi les documents provinciaux accessibles au public, la plupart sont obsolètes, comme le Kootenay-Boundary Land Use Plan (plan d’aménagement du territoire de Kootenay-Boundary), créé en 1997. Pourtant, les autorités décisionnelles de la province sont tenues de respecter les objectifs juridiques définis dans ces documents. Idéalement, ces documents devraient être régulièrement mis à jour afin de refléter les relations et les priorités actuelles de tous les gouvernements. À l’intention des urbanistes du régime dominant, ces documents devraient également indiquer de quelle façon seront respectés, notamment, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et le Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Il existe peu de relations formelles entre les gouvernements autochtones et les gouvernements locaux (districts régionaux et administrations municipales). Bien que certains gouvernements locaux reconnaissent qu’ils se trouvent sur des terres autochtones dans leurs plans communautaires officiels, aucun de ceux que nous avons examinés ne mentionnait l’intention d’établir des relations avec les gouvernements autochtones. En outre, si toutes les collectivités locales ont l’obligation minimale de consulter les gouvernements autochtones en vertu de la Loi sur les administrations locales (Local Government Act), cette obligation ne va pas jusqu’à exiger une responsabilité relationnelle. Les administrations locales entretiennent également un lien avec les gouvernements autochtones au moyen de la base de données consultative provinciale, un outil cartographique dominant qui indique les frontières coloniales des terres autochtones. Cependant, les frontières de la nation Sinixt, par exemple, ne font toujours pas partie de la base de données, même si elles sont reconnues depuis 2021. Ainsi, plutôt que de miser sur cette seule base de données, les stratégies de consultation feraient bien de viser avant tout l’établissement de relations et de soutenir la transparence, une composante clé de l’Espace Éthique. De saines stratégies de consultation reposent sur l’élaboration de meilleures pratiques en matière de prise de décision et sur la culture d’un dialogue qui ne s’arrête pas brusquement dès l’approbation d’un projet.
En Colombie-Britannique, personne n’a le mandat d’effectuer l’aménagement d’un territoire régi par divers ordres de gouvernement. Les districts régionaux et les administrations municipales entretiennent des relations variées, essentiellement fondées sur les exigences des projets de développement. Les relations entre les gouvernements provinciaux et locaux sont tendues. Les administrations locales n’ont que peu ou pas de contacts avec la province, en raison de la rotation du personnel ou de l’absence de relations de travail. Pour aider à surmonter ces lacunes, l’Espace Éthique mise sur la recherche d’intérêts communs, essentiels à l’établissement des relations (ARE, 2017). Les stratégies intergouvernementales donnent lieu à un type d’urbanisme plus durable et viable, afin de soutenir les objectifs holistiques de l’action climatique. En outre, la planification urbanistique intergouvernementale reconnaît que les personnes, la faune et les écosystèmes évoluent sur un territoire qui relève de deux ou plusieurs ordres de gouvernement, reconnaissance qui est vitale pour répondre pleinement aux besoins humains ou environnementaux. Avec les phénomènes qu’engendre la crise climatique, cette reconnaissance sera de plus en plus importante. Par exemple, une meilleure prévention incendie à travers les communautés de la Colombie-Britannique favorisera une plus grande résilience et réduira l’ampleur de l’intervention d’urgence nécessaire. En somme, du point de vue de l’Espace Éthique, il est nécessaire que l’aménagement du territoire soit intergouvernemental pour maintenir la responsabilité relationnelle, établir des relations entre les gouvernements et obtenir une image holistique des répercussions des décisions sur les communautés.
Les rubriques suivantes présentent deux intérêts communs à tous les gouvernements. Ils pourraient servir de point de départ à l’établissement de relations dans l’Espace Éthique.
Comprendre l’utilisation des terres de l’arrière-pays
Tous les représentant·e·s des gouvernements ont nommé le besoin de contrer les effets cumulatifs associés à l’occupation de l’arrière-pays (camping et activités récréatives) et la nécessité de s’y adapter. Dans la région du Haut-Columbia, l’augmentation des activités récréatives dans l’arrière-pays a suscité des inquiétudes concernant l’écosystème. L’élaboration d’un plan qui identifie les problèmes actuels et futurs liés à l’augmentation de la fréquentation de l’arrière-pays peut servir à établir des relations au fur et à mesure que les gouvernements travaillent à un objectif commun qui soutient l’action climatique à long terme.
Adoption d’un plan de délimitation des bassins versants
L’urbanisme à l’échelle du bassin versant a été présenté comme une méthode permettant de supprimer les frontières politiques coloniales et les processus de revendications territoriales. Avec les négociations entourant le Traité du fleuve Columbia qui se poursuivent, la région du Haut-Columbia est particulièrement bien placée pour aborder l’aménagement du territoire de manière holistique. Les gouvernements provinciaux et autochtones ont déjà consacré du temps et des fonds à la négociation du Traité. Forts de cette collaboration, ils pourraient maintenant discuter ensemble de l’aménagement des bassins versants.
Faire progresser la théorie de l’urbanisme grâce à l’Espace Éthique
Soutenir les urbanistes autochtones
La pratique de l’urbanisme ne sera pas éthique sans la participation résurgente des spécialistes autochtones de la théorie et de la pratique urbanistiques (Jojola, 2008, 2013; Zapata et Bates, 2021), afin de réintégrer l’approche autochtone dans la théorie urbanistique et de comprendre les lacunes de l’urbanisme contemporain. Harjo (dans Zapata et Bates, 2021) déclare :
Reconnaître les droits et modifier la dynamique du pouvoir
L’urbanisme contemporain fonctionne selon un processus décisionnel hiérarchique, favorisant la voix dominante. Les lois et les pratiques autochtones sont soit ignorées, soit manipulées pour y être incluses. Pour adopter une pratique juste de l’urbanisme, les droits autochtones doivent être défendus au même titre que les droits dominants. Les spécialistes de la coexistence rejettent la prise de décision hiérarchique, soutenant que lorsque l’équilibre des dynamiques de pouvoir n’est pas prioritaire, les urbanistes risquent de reproduire des tactiques oppressives (Porter, 2004, p. 105-109, cité dans Sipe et Vella, 2017, p. 287). L’Espace Éthique accorde la même valeur aux systèmes autochtones et dominants afin de créer un nouveau système de prise de décision équilibré. L’Espace Éthique est fondé sur la capacité et la volonté de toutes les parties d’avoir une compréhension mutuelle profonde de l’éthique, de la morale et des responsabilités qui guident chaque partie. Ainsi, les lois et pratiques de chaque système ont le même poids dans la prise de décision. Les parties décident ensemble des normes et des lois qui guideront la prise de décision, en conciliant les multiples lois et protocoles.
La relation au lieu et au temps
Dans la vision dominante de l’urbanisme, le lieu est principalement considéré comme un emplacement physique, guidé par les frontières politiques (Cresswell, 2014). Pour les peuples autochtones, les limites du lieu sont floues ou inexistantes et sont définies par les relations spirituelles, physiques et émotionnelles avec la terre (Jojola, 2008; Zapata et Bates, 2021). Pour de nombreux peuples autochtones, le lieu est relationnel et « ouvert au changement en fonction de la position de l’individu ou de la communauté » (Harjo dans Zapata et Bates, 2021, p. 617). L’Espace Éthique est une pratique basée sur le lieu qui utilise les connaissances locales pour créer des cadres de prise de décision.
Les Autochtones et les non-Autochtones voient le temps différemment. Selon la vision dominante, le temps est linéaire, comportant des liens minimaux avec la parenté. Par exemple, une grande partie du monde dominant considère l’histoire comme statique; en d’autres termes, comme quelque chose d’accompli et de révolu, même si elle peut encore influencer la prise de décision aujourd’hui. Dans cette vision du monde, il n’y a pas d’organisme, d’institution ou de tradition qui nous demande d’assumer la responsabilité d’événements qui se sont produits dans le passé. Harjo (dans Zapata et Bates, 2021, p. 616) affirme que la conception linéaire « passé-présent-futur » en urbanisme ne reconnaît pas les « relations de parenté autochtones » et les responsabilités des Autochtones à l’égard de leurs « proches qui vivent dans de nombreuses temporalités ». Dans l’Espace Éthique, les frontières temporelles ne sont pas limitées ou définies.
Conclusion
Alors que l’urgence climatique mondiale devient de plus en plus évidente, les urbanistes ont la responsabilité d’aménager le territoire de sorte à assurer la santé, la sécurité et la justice de tous les êtres qui vivent sur la Terre. Les peuples autochtones agissent en relation avec la terre depuis des temps immémoriaux, créant des lois et des protocoles pour guider les interactions mutuellement bénéfiques. Pourtant, ces connaissances sont dévalorisées et, dans de nombreux cas, effacées des pratiques urbanistiques modernes. De nouvelles approches de l’aménagement du territoire sont nécessaires pour recalibrer le pouvoir et accorder la même valeur éthique à toutes les lois. L’Espace Éthique est un concept émergent qui favorise l’établissement de relations et l’équilibre des dynamiques de pouvoir afin de créer un espace innovant pour la prise de décision. Il reconnaît les différences fondamentales entre le droit dominant et le droit autochtone et en tient compte lors de la conception d’un nouveau cadre urbanistique. En mettant l’accent sur l’autodétermination autochtone, les décisions en matière d’aménagement peuvent mieux soutenir des actions climatiques qui assurent la satisfaction des divers besoins de toutes les parties.
Cette étude met en évidence la façon dont l’Espace Éthique réinvente la prise de décision pour promouvoir la confiance mutuelle, le respect et la collaboration entre Autochtones et non-Autochtones. À l’aide d’une étude de cas communautaire, cette recherche a identifié les applications pratiques possibles de l’Espace Éthique pour aménager le territoire dans la région du Haut-Columbia en Colombie-Britannique, une région où le besoin d’aménagement est urgent. Les résultats de la recherche offrent des pistes précieuses aux urbanistes et aux universitaires qui cherchent à créer des processus urbanistiques plus éthiques et plus durables.
Pour citer cet article
Nadeau, M. (2022). Soutenir l’action climatique et l’autodétermination autochtone : exploration d’un espace éthique pour l’aménagement du territoire dans la région du Haut-Columbia en Colombie-Britannique. Dans Répertoire de recherche Villes, climat et inégalités. VRM – Villes Régions Monde. https://www.vrm.ca/soutenir-laction-climatique-et-lautodetermination-autochtone-lamenagement-ethique-du-territoire-dans-la-region-du-haut-columbia-en-colombie-britannique/
Texte source
Nadeau, M. (2022). Exploring Ethical Space for land use planning in the Upper Columbia region of British Columbia. Mémoire de maîtrise. Simon Fraser University. https://summit.sfu.ca/item/35117
Bibliographie
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